Trait d'union

3 artisans, 3 façons de préserver nos toits

Le 04/07/2024
par Marine Anthony
Dis-moi quels matériaux tu utilises, je te dirai dans quelle région tu arpentes les toits et défies la gravité pour construire, rénover et distinguer le patrimoine français… Rencontre avec trois couvreurs motivés par une passion commune : la sauvegarde de leur précieux savoir-faire.
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Thierry Chapoulie est l’un des derniers lauziers du Périgord.

1. Thierry Chapoulie, lauzier : "Au son des vibrations"

Thierry Chapoulie travaille sur un rayon de 30 km, une distance suffisante pour remplir son carnet de commandes à dix ans ! Installé à Saint-Geniès (24), il est l’un des derniers lauziers du Périgord.

Il pourrait s’en réjouir mais s’en inquiète davantage. Et pour causes. Dix ans c’est aussi le temps d’apprentissage et de pratique nécessaire pour maîtriser la pose de cette pierre calcaire aux nuances gris-bleu de myrtille, particulièrement résistante aux intempéries et si caractéristique des toitures périgourdines.

Jusque-là aucun centre de formation n’existait pour perpétuer ce savoir-faire classé à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Le métier, technique et rigoureux, s’apprenait de génération en génération. Lui-même héritier de son père et de son grand-père, Thierry Chapoulie transmet les subtilités de l’art lauzier à son fils venu le rejoindre.

Les lauzes, en voie de disparition faute de carrières exploitables, sont taillées au marteau, triées une à une au son de cloche qu’elles émettent, empilées avec précision en tas de charge sur des lattes de châtaignier. Exit le mortier. En moyenne, comptez un jour pour réaliser un mètre carré de toit.

"Les anciens s’en vont, et les jeunes reculent devant la tâche", Thierry Chapoulie

Un regret pour cet artisan à l’origine de plusieurs rénovations de toiture de bâtiments classés monuments historiques : les châteaux de Castelnaud, de Marqueyssac ou plus récemment de Fénelon. Les voilà parées pour plus d’un siècle.

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2. Frédéric Cordier, couvreur zingueur : "Je voulais habiller la mariée"

"Les toits de Paris, je les connais bien ! J’ai vécu dessous enfant, dans une chambre de bonne, joué au cow-boy dessus en secret, et les habille avec passion depuis une trentaine d’années", confie Frédéric Cordier.

CAP/BEP charpente en poche, il fait un temps chez les Compagnons charpentiers. Surnommé le renard, ou celui qui vole le métier, il s’empare des connaissances et rejoint une entreprise de couverture parisienne.

Il se spécialise dans l’ardoise et la zinguerie : façonnage et pose aux normes de ses pairs haussmanniens, soudures, raccords complexes pour mansardes à lucarnes et œil-de-bœuf… "Je voulais habiller la mariée", précise-t-il.

Direction la Picardie, les couvreurs aiment bouger pour apprendre les combines. La précision du geste pour ne pas être sanctionné par la fuite, le privilège de se sentir grand et fort et de magnifier le paysage urbain l’ont conquis.

De retour à la capitale, il encadre des chantiers de restauration et œuvre à la reconnaissance de la corporation au sein de la boutique Les Toits Parisiens, créée par M. Venturini, dirigeant de l’entreprise La Louisiane.

Il y anime des ateliers, une façon de "descendre la couverture et cette forêt métallique aux yeux de tous".

Redonnant vie à l’ardoise de récupération, les participants repartent avec un bout de Paris et un bel aperçu du métier, indissociable du caractère emblématique dont jouit la ville à travers le monde.

Frédéric Cordier défend et coordonne la candidature des couvreurs zingueurs et ornementalistes parisiens au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

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3. Jérôme Lucas, chaumier : "La tradition a du bon"

Autrefois rural et populaire, le toit de chaume historiquement présent en Bretagne revient en force dans sa meilleure version pour habiller des maisons neuves et plus cossues.

Jérôme Lucas, 18 ans d’expérience dans le métier, confirme : "La paille de seigle remplacée par du roseau de Camargue lui confère une durée de vie plus longue, sa construction traditionnelle et biosourcée répond aux envies d’authenticité et de reconnexion à la nature, ses propriétés isolantes et son charme typique font le reste !" 

Issu d’une filière agricole, Jérôme Lucas ne se prédestinait pas à devenir chaumier. Un stage effectué chez l’un de ces irréductibles l’a convaincu. Il y reviendra à la fin de ses études faire ses armes et outils pendant huit ans avant de s’installer à son compte, à Baud dans le Morbihan.

À son tour, il transmet ses connaissances à Dimitri, son salarié depuis six ans, le goût de la débrouille bien utile.

La pose du chaume se pratique de façon ancestrale, aucun outillage ne se trouve dans le commerce. "Tout est fait maison et à l’œil !" 

Le roseau assemblé en bottes alignées permet à l’eau de ruisseler, ses performances imperméables, thermiques et acoustiques en font un revêtement extérieur plébiscité.

Des particuliers de plus en plus nombreux, des collectivités ou encore le Village Gaulois de Pleumeur-Bodou lui rappellent quotidiennement le cadre privilégié dans lequel il officie et pour quelles raisons. Au calme et au grand air, Jérôme Lucas recouvre, démousse, restaure les chaumières, chères au patrimoine breton, bien loin de se résumer à de jolies demeures de contes et légendes.

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Perpétuer les savoir-faire par la formation

La CMAR Occitanie-Lozère, l’association Artisans Lauziers Couvreurs (ALC) et la FFB 48 ont lancé les premières formations certifiantes sur les métiers de la lauze en janvier 2022, au sein du Campus des Métiers et de l’Artisanat de la Lozère (CFA Henry Giral - Mende 48).

Plus d’infos : ALC - 04 66 47 66 57 / 06 74 24 45 78 - artisanslauzierscouvreurs.fr

Constituée de professionnels exerçant partout en France, l’ANCC propose des formations courtes non diplômantes pour s’initier au métier de chaumier. Le CQP Ouvrier professionnel couvreur chaumier peut être dispensé dans différents organismes de formation.

Plus d’infos : chaumiers.com

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