Dominique Szulc, le jardinier philosophe
Bêcher, planter, arroser… On peut faire un jardin en se contentant de cela. Ou aller plus loin. Le penser, le rêver, comprendre l’agencement de nature, ses racines et ses expressions, ses variations liées à l’espace, au climat, aux êtres destinés à l’investir. L’histoire de Dominique Szulc emprunte ce chemin. L’histoire d’un homme animé par la profondeur du concept "jardin" qui s’est installé, voilà 36 ans, en tant qu’artisan paysagiste dans le Haut-Rhin. Sachant de façon intuitive que ce métier le passionnerait toute sa vie...
Les années n’ont rien démenti. "C’est toujours un plaisir de se lever tous les matins pour aller travailler", assure ce féru de vie en extérieur, aujourd’hui âgé de 60 ans. À Richwiller, le dirigeant d’Uni-Vert a trouvé son "lieu idéal". Dans cette petite commune alsacienne dotée d’une "forte émulation", l’entreprise est pérenne, et collabore régulièrement "avec d’autres artisans du cru" : granitiers, ferronniers…
Oser le végétal
Mais où se niche donc le plaisir de Dominique en tant que concepteur d’espace ? Tout se joue, explique l’intéressé, "dans la recherche d’une cohérence" entre l’architecture, le paysage alentour et le mode de vie des individus qui s’adressent à lui. "On est là pour que le lieu qu’on nous confie devienne vivant, expressif. Notre vocation sera de le révéler à lui-même."
Cultivant sa réputation d’entreprise créative, Uni-Vert tend à mettre en œuvre des chantiers "atypiques, personnels, innovants…". Avec un objectif : donner la primeur au végétal. "Une tendance qui se perd", estime l’artisan. "On a tendance à croire, aujourd’hui, que le minéral structure un jardin. Or, c’est bien le végétal qui en construira l’âme. Nous essayons donc de mettre celui-ci à l’honneur, avec des gestes lisibles, dans un contact privé, intime avec la nature."
Esprit d’équipe
Le travail ne se faisant jamais aussi bien qu’à plusieurs, Dominique Szulc s’est entouré d’une équipe fidèle, et engagée. "Le personnel d’Uni-Vert est entièrement composé d’ex-apprentis que nous avons gardés comme employés." L’aîné de la bande, Bruno, a déjà 27 ans d’ancienneté. "Je suis heureux, car je crois avoir réussi à les emmener tous avec moi dans la passion du jardin, et nourrir leurs intérêts à travers notre activité."
Distingué pour sa politique managériale par le Prix Stars & Métiers 2015*, le dirigeant fait en effet grand cas de ses employés, et de leur bien-être au sein de l’entreprise. "Chacun est ici reconnu pour ce qu’il est, et ce qu’il fait. Il n’y a pas de rivalité, d’esprit de compétition. J’aime lorsque je peux leur donner le relais, pour que des histoires, des projets de jardin s’inventent, et deviennent réalité." Chez Uni-Vert, chaque chef de projet est responsable et réalise son chantier de A à Z. "On prend le temps de faire en sorte que le personnel soit polyvalent, sache tout faire. C’est gratifiant pour tout le monde... Et en plus, cela fonctionne."
Plus que le but, le chemin
Dominique Szulc n’a pas toujours fonctionné comme cela. Il le sait. "Avant, il fallait que je contrôle tout. Puis un jour, on se demande : mais pour qui te prends-tu ?" Introspection et moment de bascule. "Lorsque l’on réalise que l’on a en face de soi des individus brillants, qui ont des idées et vous rappellent qu’ils peuvent les partager", quelque chose change… Le gérant comprend : une entreprise est une équipe où chacun peut, doit se révéler.
"Notre objectif est d’apporter de la joie et bien-être à nos clients à travers les jardins. Mais pour en arriver à ce résultat, il est tout aussi important que les personnes qui travaillent expérimentent elles-mêmes cette joie au quotidien. Le chemin est tout aussi important que le but que nous poursuivons." L’artisan paysagiste a choisi de faire de cette maxime une réalité. "Aujourd’hui, on ne peut plus passer outre l’individu dans le monde professionnel. Et sa reconnaissance ne va pas à l’encontre du bon fonctionnement de l’entreprise, au contraire !" Dominique Szulc se sent reconnaissant. "Cette prise de conscience là, je la dois à mes gars."
* Dossier présenté par la Chambre de métiers et de l’artisanat d’Alsace et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne.
Il a su...
- Gagner en réputation grâce des créations atypiques, uniques, inspirées.
- Se remettre en question pour apprendre à déléguer.
- Favoriser un management d’entreprise humaniste.
- Établir des partenariats avec d’autres artisans de sa commune
- Voyager à l’étranger pour nourrir sa culture du jardin de traditions emblématiques
Une matière vivante
Penser un jardin, c’est lui donner une dimension dans l’espace et dans le temps. Quelle densité végétale fera ressentir au mieux l’intensité d’un espace, petit ou grand ? Et comment prévoir son développement ? "Un jardin est vivant. Quand il est terminé, c’est là que tout commence. Il change, il évolue... On l’accompagne, mais on ne maîtrise pas totalement ce qui va se passer." La surprise fait partie du jeu. "Le tout est de bien réfléchir en amont pour placer le bon végétal au bon endroit. Un jardin bien construit tiendra la route sur 20 ans, 25 ans, 30 ans. Cela ne trompe pas !"
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