François Perret : " Une grande oubliée : la prolifération normative "
Comment voyez-vous l’artisanat ?
L’artisanat est un élément de notre identité patrimoniale et économique. Or on ne parle pas de la même manière de ces 3 millions d’actifs que des start-up ! Je suis pour le rééquilibrage du discours, du débat et du soutien aux entreprises. C’est ce que je porte à travers l’association Pacte PME qui a pour but de faire croître et se développer les PME françaises avec l’aide des grands groupes…
Sans y perdre leur âme ?
Les situations concurrentielles et la mondialisation imposent leurs règles ; il s’agit de trouver un juste milieu entre développement économique et culture.
"Le boulanger Éric Kayser, par exemple, a réussi à faire briller son savoir-faire artisanal et à prospérer, y compris au-delà de nos frontières. Ce n’est plus le même business, c’est vrai, mais cela peut fonctionner sans préjudice pour l’excellence ni le savoir-faire artisanal. Au contraire."
Que pensez-vous du plan d’action "Simplification !" lancé récemment ?
Compte tenu de la dissolution de l’Assemblée nationale, le projet de loi a du plomb dans l’aile… Je le déplore.
De mon côté, j’avais déjà emmené le Test PME aux Assises de l’entrepreneuriat en 2014. Une disposition qui pour être efficace suppose que l’Administration joue le jeu, c’est parfois là où l’on butte.
Il y a pas mal de choses dans le plan d’action mais pour autant, une grande oubliée : la prolifération normative.
"Au moment où l’on se parle, il y a 400.000 normes en activité rassemblées dans 11.500 lois, auxquelles s’ajoutent 130.000 décrets. Et quand on regarde les différentes sessions parlementaires, toujours plus de textes sont produits tandis que leur taux d’application ne progresse pas."
Il y a un gros travail à faire, qui prendrait plusieurs années, consistant à réduire cette masse, que personne ne maîtrise en vérité et qui pourrit la vie des entrepreneurs. Il faut s’attaquer au stock mais aussi au flux.
D’ailleurs on peut réformer autrement qu’à base de normes, notamment via le "soft-law", la généralisation de bonnes pratiques sans caractère juridique ni contraignant.
Cela rejoint un problème de fond sur la manière de penser l’action publique : peut-être faut-il faut moins de fonctionnaires, et mieux formés.
Quelles sont les solutions pour rendre à la France sa compétitivité ?
D’abord, agir sur le coût du travail en transférant le financement de la protection sociale, aujourd’hui assis principalement sur la production et les revenus du travail, vers une fiscalité moins pénalisante pour l’emploi (TVA sociale).
Ensuite, il faut réformer le crédit d’impôt-recherche (CIR) en le ciblant sur les PME. Le CIR représente 7,6 milliards d’euros en 2024, avec des résultats en matière de recherche et développement qui ne sont pas là car il n’est pas suffisamment orienté en valeur vers les petites structures (effet d’entraînement estimé à 1,40€ dans les entreprises de petite taille pour 1€ de CIR, contre seulement 0,40€ dans les grandes entreprises).
Enfin, il faut travailler sur le capital humain à moyen terme, sur l’apprentissage et la restauration des savoirs fondamentaux au collège.
Biographie
- 2006 : Directeur d’hôpital, il obtient la construction d’un nouveau bâtiment de 400 lits mère-enfant pour l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris).
- 2014 : Conseiller chargé des PME auprès de Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique, il lance les Assises de l’entrepreneuriat.
- 2019 : Chargé de mission par le gouvernement afin de promouvoir les dispositifs de partage de la valeur (intéressement et participation).
- 2023 : Conseiller scientifique du directeur général de l’ESCP Business School, avec le projet de créer un certificat visant à aider les actifs à se reconvertir dans la transition écologique et numérique.
- 2024 : Candidature à la direction de Sciences Po.
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