Le Gouvernement planifie une transformation profonde des zones commerciales
Ce lundi 11 septembre 2023, le Gouvernement a présenté son plan destiné à transformer les zones commerciales, symboles d'une « France moche », qui n'est plus en conformité avec ses ambitions écologiques et sociétales.
Cette expérimentation à grande échelle est dotée d’une enveloppe colossale de 24 millions d'euros.
Ce projet avait été amorcé à l’automne 2022, sous l’initiative d'Olivia Grégoire, ministre déléguée aux Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, et de Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Tous deux ont chargé un groupe d’experts composé d’élus locaux, foncières, commerçants, aménageurs, architectes et urbanistes, de réfléchir à la transformation des zones commerciales.
→ Objectif : dessiner la zone commerciale des soixante prochaines années.
Lors ces travaux, qui ont conduit à ce programme, l’ensemble des parties prenantes ont témoigné de la difficulté de mener des projets d’une grande complexité juridique et technique.
Les zones commerciales sont à bien des égards l’incarnation du vingtième siècle : celui de la consommation de masse, celui de l’automobile pour tous, celui du pavillon pour chacun. Mais dans un monde qui prend conscience de ses limites, la zone commerciale a atteint les sienne. Parce qu’il n’est plus entendable de grignoter une terre agricole qui nous nourrit, parce que chaque arbre coupé est désormais légitimement vécu comme un drame, parce que chaque trajet en voiture coûte cher, et même, de plus en plus cher, a déclaré Olivia Grégoire.
Les zones commerciales ou l’avènement d’une société de consommation
Depuis les années soixante, une France dite « périphérique » a émergé et n’a cessé de s’étendre, se transformant peu à peu en larges surfaces bétonnées à perte de vue.
Où qu'elles soient implantées dans l'hexagone, toutes se ressemblent : de larges voies bordées de panneaux publicitaires, des « passoires thermiques », bien souvent mal isolées et entourés de vastes parcs de stationnement.
Une transformation devenue urgente pour les instantes publiques
Alors qu’une récente étude de l’INSEE révèle que 87% des Français aspirent à une maison avec jardin, témoignant d’une évolution des mentalités, les territoires commerciaux n’ont cessé de gagner du terrain ces dernières années.
Plusieurs raisons expliquent ce développement à grande échelle :
→ Leur praticité : avec une facilité pour accéder aux magasins en voiture, depuis la ville comme depuis les campagnes, et une facilité pour se garer et faire ses courses ;
→ Une offre adaptée à la consommation de masse : avec de grandes enseignes et des prix souvent plus accessibles qu’en centre-ville ;
→ Un modèle « tout bénéf’» pour les constructeurs : bâtiments standardisés sans recherche esthétique ni paysagère, pas de mixité d’usage complexifiant la construction, le tout sur des terres agricoles bons marchés et vierges.
Aujourd’hui, ces surfaces bétonnées soulèvent aujourd’hui des défis qui s'inscrivent dans le cadre de la transition écologique que le pays souhaite engager, notamment à travers le programme Action Cœur de Ville ou Petites Villes de Demain.
Au cœur de la vie des Françaises et des Français, symbole d’une époque, les zones commerciales dans notre pays se révèlent inadaptées pour adresser les grands enjeux que nous avons à relever pour accélérer la transition écologique de notre société, et sont en décalage avec les nouvelles attentes de nos concitoyens, a précisé Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Pourquoi cette remise en question ? Et pourquoi maintenant ?
Pour les commerçants implantés, dont certains sont des entreprises artisanales, l’extension de ces zones rime avec une course aux surfaces de vente aujourd’hui dépassée, en particulier par le développement du e-commerce, le changement des attentes des consommateurs et la fin de l’abondance des matières premières.
Face à ce constat, deux problématiques émergent :
Les « surcapacités commerciales » : avec des magasins surdimensionnés et parfois en difficulté car situés dans une zone commerciale peu performante (la zone est située près d’une agglomération en décroissance, ou une autre plus récente a pris ses parts de marché).
L’évolution des habitudes commerciales : la vente n’est plus la seule activité : réparation, réutilisation, diversification des activités sont clés et se concrétisent dans la transformation de l’offre des magasins.
Quelles sont les trois mesures orchestrées par le Gouvernement ?
Mesure n°1 : « Un paquet normatif dans le projet de loi Industrie Verte »
Le projet de loi Industrie Verte, voulu et porté par Bruno Le Maire, intègre un « paquet normatif » destiné à répondre point par point aux observations des élus et opérationnels, afin de faciliter, accélérer et sécuriser la transformation des zones commerciales.
Les députés et sénateurs ont en particulier voté :
→ La mobilisation de la Grande Opération d’Urbanisme pour les projets de transformation des zones commerciales. La Grande Opération d’Urbanisme permet par exemple de mettre en compatibilité l’ensemble des documents d’urbanisme – Plan Local d’Urbanisme, SCoT... – avec le projet, permettant de gagner entre deux et cinq ans ;
→ La suppression de freins institutionnels au recours à la Grande Opération d’Urbanisme, qui n’impliquera plus le transfert automatique de la compétence droit des sols (permis de construire...) des maires vers les présidents d’EPCI (ce qui permettra aux maires de conserver leur compétence et donc d’accepter le recours à la Grande Opération d’Urbanisme pour mener le projet) ;
→ La possibilité d’un transfert des droits commerciaux au sein d’une zone commerciale : tout commerce ayant une surface de vente de plus de 1000 m² doit déposer et obtenir une autorisation d’exploitation commerciale (AEC), qui en cas de contentieux peut nécessiter en moyenne 5 ans pour être acquise. Dans le cas d’une transformation d’une zone commerciale, cette procédure est rédhibitoire, puisque pour démanteler l’ancien magasin « boîte à chaussure » dans une nouvelle construction mêlant du commerce, des services et du logement, il faut préalablement obtenir une AEC. Cet obstacle majeur sera ainsi levé ;
→ La possibilité d’autoriser des projets dérogeant aux règles du PLU, la mobilisation du droit de préemption commercial et artisanal ou encore le recours au permis d’innover.
Mesure n°2 : « une expérimentation à grande échelle, un laboratoire à ciel ouvert »
Ce lundi 11 septembre marque le coup d’envoi d’une expérimentation auprès des collectivités, des aménageurs et des acteurs privés.
Cette expérimentation reçoit le soutien de la collectivité territoriale d’implantation pour des projets de transformation de zones commerciales, qui répondent à certains critères.
Coût de cette première phase : 24 millions € (cumulable avec les autres aides de l’État comme le Fonds vert, Action Cœur de Ville ou Petite Ville de demain) permettant d’accompagner les projets lauréats dans une démarche partenariale entre l’Etat, les collectivités locales et les autres parties prenantes du territoire (aménageurs, commerçants et acteurs fonciers...).
À noter que les porteurs de projets intéressés doivent se manifester auprès de leur préfecture.
Les territoires éligibles sont aussi bien de grandes agglomérations que des espaces ruraux, qu’ils soient ou non situés dans le périmètre d’une opération de revitalisation de territoire « ORT », qu’ils soient ou non engagés dans le programme Action Cœur de Ville ou Petites Villes de demain.
Les préfectures pré-sélectionneront les projets et les transmettront aux ministères impliqués pour instruction. Deux vagues de lauréats seront désignés, la première en novembre 2023 pour les agglomérations ayant des projets déjà engagés ou matures, la deuxième début 2024 pour donner à d’autres le temps de définir les grandes lignes de leur propre projet.
Focus : Le programme de transformation des zones commerciales et Action Cœur de Ville 2
Le programme Action Cœur de Ville va s’étendre, dans son second volet 2023-2026, aux entrées de ville. Le programme de transformation des zones commerciales permettra de nourrir ACV2 et d’accompagner les dynamiques et projets déjà identifiés, tout en ayant un périmètre en partie différent, puisqu’il ne concerne pas exclusivement les villes moyennes, mais s’adresse aussi aux grandes agglomérations comme aux plus petites communes et aux territoires ruraux.
Mesure n°3 : Une « task force » pour accompagner la transformation des zones commerciales
Une équipe nommée par le Gouvernement sera chargée de plusieurs missions :
Un accompagnement sur mesure des projets lauréats, notamment en matière d’ingénierie, d’expertise administrative et juridique, et de fléchage des autres enveloppes d’aides pour les projets ;
Transmettre aux ministères les obstacles normatifs rencontrés afin d’en examiner la modification ;
Animer une communauté nationale d’acteurs et d’élus engagés pour la transformation des zones commerciales (rencontres nationales, formations et webinaires, workshop autour d’enjeux concrets du programme comme la renaturation, la mixité ou l’innovation financière, comité de suivi entre élus locaux et ministères pour identifier et lever les freins règlementaires et juridiques...) ;
Agréer les expériences et les analyser pour produire une synthèse annuelle et des études transversales utiles à l’ensemble des acteurs publics et privés intéressés par la transformation de ces espaces ;
Créer un guide juridique et opérationnel à destination des collectivités et des aménageurs.
Quelle est la suite du calendrier ?
Septembre 2023
Lancement du plan de transformation des zones commerciales et ouverture de l’expérimentation visant à sélectionner les 30 premiers territoires et diffusion de la circulaire aux préfets sur cette expérimentation.
Novembre 2023
Sélection des projets et début de l’accompagnement, publication d’un guide opérationnel et lancement du réseau national de transformation des zones commerciales.
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