Réussite

Peruke : l'art du trompe-l'œil

Le 03/07/2024
par Isabelle Flayeux
Hair designer, Guilaine Tortereau joue un rôle essentiel dans le milieu du cinéma et du spectacle vivant. À la tête d’un atelier de fabrication et de location de perruques et postiches haut de gamme, cette artisane d’art fait preuve d’une extrême exigence, qualité indispensable pour rester dans l’ombre.
Partager :
Guilaine Tortereau a décroché le prix "Coup de cœur CMA France" lors des trophées Madame Artisanat 2024.

Le métier de Guilaine Tortereau est aussi inédit qu’exceptionnel. Alors qu’elle exerce dans le salon de coiffure familial de Saint-Nazaire (44), cette passionnée de cinéma écoute son envie d’ailleurs.

"Mes grands-parents et mes parents étaient coiffeurs, mon frère aussi. J’ai quitté cet univers pour allier ma passion du cinéma à mon savoir-faire."

La jeune femme rejoint la capitale en 1985. Inscrite en cursus cinéma et arts plastiques à Paris 8, elle coiffe un temps les danseuses du Moulin Rouge. À force d’audace, Guilaine Tortereau est assistante coiffeuse sur les plateaux de tournage.

"Ma motivation m’a poussée à frapper à beaucoup de portes sans relâche. J’ai signé un premier contrat en tant que chef coiffeuse en 1988 sur "Ça, c’est Palace", une série farfelue. Pleinement dans mon élément, je fabriquais des objets éloignés des standards de la coiffure basique. Il s’agissait davantage de conception plastique, avec des volumes, des lampadaires, etc. J’ai toujours aimé créer, produire des pièces particulières et étonnantes." 

À l’issue de cette expérience significative, la perruquière devient une référence dans le milieu cinématographique, elle enchaîne les films et participe à des productions majeures pour lesquelles elle monte des ateliers volants.

Un savoir-faire pluriel…

Après plusieurs années de plateaux, Guilaine Tortereau s’aménage en 2001 un atelier fixe baptisé Peruke, spécialisé dans la fabrication artisanale haut de gamme de perruques et postiches.

"L’exigence est plurielle. Je porte la matière, le côté artisanat, toujours plus loin." 

Les metteurs en scène font autant appel à elle pour son expertise, sa connaissance du milieu et de ses problématiques, que pour la qualité et l’esthétisme de ses créations. "Chaque film est différent, chaque demande également. Mon métier consiste à accompagner pour raconter des histoires de fiction, au même titre qu’un costumier ou un décorateur. Pour trouver un look, je lis le scénario, je regarde aussi jusqu’où je peux emmener le comédien avant de choisir la couleur, la longueur et la densité de la chevelure." 

L’atelier donne une identité propre à chaque personnage et fait différentes propositions. "La première étape passe par la prise de mesures afin de réaliser une base de tête en volume. Je fabrique ensuite un bonnet en tulle très fin qui est garni d’implants noués à l’aide d’un crochet. La conception est 100 % artisanale et sur mesure, chaque pièce est unique." 

Sollicité pour des productions majoritairement contemporaines, Peruke a déjà vu passer bon nombre de têtes célèbres : Omar Sy, Léa Seydoux, Marion Cotillard ou encore Demi Moore.

… nourri par la curiosité

Depuis 2014, l’atelier est installé au sein de la Cour de l’Industrie dans le 11e arrondissement de Paris, aux côtés d’une cinquantaine d’autres artistes et artisans d’art. Une implantation idéale pour la perruquière qui puise sa créativité dans tout ce qui l’entoure.

"Je suis très curieuse, mon imagination se nourrit de rencontres et d’observations. Croiser des pratiques, échanger sur les techniques déclenchent des idées." 

L’artisane d’art de 60 ans confie également un attrait pour les musées et les vieilles perruques. "S’il est impossible de reproduire certains procédés, je me sers de systèmes pertinents que je transforme en utilisant des matériaux actuels plus performants et légers. Ainsi, la corde de guitare remplace le fil de fer pour la confection de formes, d’objets." 

Elle a su…

  • Créer un atelier de fabrication artisanale haut gamme de perruques et postiches.
  • Développer un savoir-faire pluriel et proposer des pièces uniques sur mesure.
  • Donner une identité propre à chaque personnage à partir d’un scénario.
  • Adapter les techniques aux matériaux actuels.
  • Adopter une place d’accompagnante et de conseillère sur les films.
  • Enseigner ses techniques de précision à son équipe.

Au sein de l’atelier, les cheveux naturels de toutes couleurs et de toutes longueurs côtoient le crin, le yack et le mohair. Les matières et les tons se mélangent selon le rendu attendu. Peruke crée par ailleurs des sculptures de cheveux en forme d’animaux pour les vitrines Hermès du Faubourg Saint-Honoré.

L’atelier a déjà reçu plusieurs prix, une belle reconnaissance à plus d’un titre. "Notre leitmotiv est l’invisibilité, la discrétion extrême. Ces récompenses mettent en lumière le métier, c’est d’autant plus essentiel que je suis dans une logique de transmission. J’ai formé chacun de mes quatre employés."

Plus d’infos

Points clés

  • 1 900 : Peruke dispose d’un stock de 1.900 perruques dont la plupart ont été fabriquées par son atelier.
  • EPV : Entreprise du patrimoine vivant, Peruke forme ses salariés en interne et ouvre son atelier au public pour faire découvrir son savoir-faire.
  • Invisible : Sur les films contemporains, le travail du perruquier posticheur disparaît à l’image. L’artisane est dans l’exigence de l’imperfection de la nature, pour obtenir un rendu naturel.
Partager :