Opinion

TPE et télétravail : une contrainte non obligatoire

Le 15/04/2021
par Laëtitia Muller
L'obligation d'établir un plan d'action en matière de télétravail est étendue à l'ensemble des entreprises depuis le 8 avril dernier. Un principe difficilement conciliable avec l’activité de certains artisans ! Si la contrainte existe, elle ne repose sur aucune base légale : explications.
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Toutes les entreprises sont logées à la même enseigne. Le protocole sanitaire, actualisé le 8 avril 2021 par le ministère du Travail, généralise l'obligation, pour toutes les entreprises, de rédiger un plan d'action.

→ Objectif : diminuer le temps de présence des salariés sur site, en tenant compte des activités « télétravaillables ».

Oui mais voilà, télétravail et artisanat sont difficilement compatibles ! Le coiffeur, le peintre, le plombier et le boulanger, pour ne citer qu’eux, ne peuvent pas télétravailler.

→ Pourtant, les chefs d’entreprise artisanale sont bel et bien visés également par ce protocole.

Le ministère du Travail propose même un accompagnement sur son site. « Si vous êtes à la tête d'une TPE-PME et avez besoin de conseils et d'accompagnement pour organiser le télétravail de manière efficace, vous pouvez faire appel à Objectif télétravail, un dispositif gratuit, mis en place par l'Anact. »

L’aide semble en effet nécessaire pour assister les TPE dans la rédaction d’un plan d’action télétravail… Qui servira peut-être à justifier que l’activité n’est pas « télétravaillable » !

Qu’est-ce qu’un plan d’action relatif au télétravail ? 

Il s’agit d’un document qui précise les tâches qui peuvent être télétravaillées et, à l’inverse, celles qui ne peuvent pas l’être.

Un effort de réflexion que bon nombre d’artisans n’ont pas pris la peine de réaliser, face à l’évidence de la pratique de leur métier sur site.

→ L’objectif est de réduire l’exposition du salarié au risque sanitaire et d’adapter son poste de travail en conséquence. À l’évidence, quelques lignes suffiront pour les TPE.

Sur quelle obligation légale repose cette contrainte imposée par le Gouvernement ?

Aucune ! En effet, aucune loi, ni aucun décret n’ont été publiés pour rendre le travail à distance obligatoire.

À l’heure actuelle, l’obligation repose uniquement sur des recommandations pressantes du Gouvernement. On peut alors légitimement s’interroger sur les risques encourus…

Quels risques en cas de non-respect du protocole ?

« En cas de contrôle, les actions mises en œuvre seront présentées à l’inspection du travail », précise le protocole sanitaire.

Et Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement, d’ajouter : « Nous allons renforcer les contrôles et sanctions pour les entreprises qui, manifestement, ne voudraient pas appliquer cette mesure, là où c’est possible ».

C’est donc la menace du contrôle des inspections du travail, devenues les DREETS depuis le 1er avril, qui pèse sur les entreprises.

Mais pas seulement ! Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé que « des contrôles et des sanctions » seront mis en œuvre si la généralisation du télétravail n’est pas respectée, partout où elle est possible.

Pour qu’il y ait sanction, encore faut-il que le chef d’entreprise artisanale ait violé une règle.

L’absence de règle contraignante

Un protocole sanitaire n’engendre pas d’obligations juridiques. Alors faute de contrainte législative, l’exécutif se retranche derrière l’obligation de santé et de sécurité qui pèse sur tout employeur.

Ainsi, à l’occasion d’un contrôle, une inspection du travail qui constate une défaillance dans les mesures de prévention peut mettre l’employeur en demeure de respecter les principes généraux de prévention.

La sanction, quant à elle, paraît possible a posteriori, si le salarié est contaminé par la Covid-19 dans les locaux de l'entreprise, faute de mesures d'hygiène et de prévention suffisantes. Effectivement, en pareil cas, l'employeur engage sa responsabilité pénale et civile.

Une méthode discutable

La force des TPE réside dans la proximité entre le chef d’entreprise et ses salariés mais, depuis plus d’un an, chacun a eu le temps de s’adapter et de télétravailler quand cela est possible, par exemple pour une assistante administrative.

Le télétravail présente, certes, des avantages, en premier lieu celui de limiter le brassage de la population, et par là même la propagation de la Covid-19.

C’est pourquoi, si son principe est acquis, nous pouvons néanmoins regretter la méthode…

Les contraintes administratives et les menaces de sanctions auront bien du mal à trouver un écho, à l’heure où la préoccupation première est de rouvrir son commerce, ou de continuer son exploitation sans trop subir de dommages.

>> Consulter le protocole sanitaire actualité au 8 avril 2021. 

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