
Sauvetage et essor
Quand Jean Lebufnoir – ancien apprenti de la Maison – et son épouse Gilberte rachètent l’entreprise en 1961, le staff est en voie de disparition, miné par les guerres et courants architecturaux dépouillés (Art déco, Art nouveau). Obstiné, le couple relance le métier grâce à un catalogue d’ornements en résine, matière propice aux ouvrages les plus fins et complexes. Un catalyseur, qui fera bondir la production au même titre que l’ancienne boutique, située rue de Miromesnil. « Le bouche-à-oreille a été notre meilleure publicité, la qualité a fait le reste », se remémore le fils, Thierry Lebufnoir, à la tête d’Auberlet & Laurent depuis 1998.

Un choix monumental
Fort de ses 5000 références, Auberlet & Laurent travaille le staff, le stuc pierre, la résine et le GRG. « Recyclés » en showroom, les anciens ateliers de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) constituent une éclectique galerie. S’y côtoient d’immaculés motifs divins et végétaux : anges, sphinges, assemblages floraux et autres cornes d’abondance… Autant de déclinaisons intemporelles, qui s’enrichissent sans cesse. « C’est un métier d’échanges : avec des sculpteurs, nous concevons de nouveaux modèles ; de l’esquisse à la pose, les collaborations et l’esprit d’équipe sont fondamentaux », note Thierry Lebufnoir.

La touche française
Labellisée EPV (entreprise du patrimoine vivant), l’entreprise réalise 30 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, les clients affluant d’Asie, du Royaume-Uni, d’Italie et même d’Australie. Un succès qui a un prix : « une princesse du Moyen-Orient nous a un jour présentés en disant "voici l’entreprise la plus copiée au monde" », sourit le dirigeant. Plagiée mais jamais égalée, la signature Auberlet Laurent est unique, pour qui réclame la qualité. Le patron, qui perçoit « un net retour de la demande de savoir-faire français », estime qu’il y a là pour les artisans « une carte à jouer ». « La clientèle attend des conseils, du sur-mesure », témoigne, aux côtés de son père, Thibaut Lebufnoir.

Artisan de cœur
Au croisement du bâtiment et des arts appliqués, Auberlet & Laurent revendique son statut de PME artisanale : « Nous ne sommes pas des artistes mais des artisans, de bons exécutants et techniciens, ce qui n’est pas péjoratif. Malgré tout, reconnaît Thierry Lebufnoir, le métier exige une sensibilité à l’art et aux règles d’architecture. Il faut sans cesse lever la tête, ressentir les choses et s’enrichir de notre environnement. » Une curiosité motrice, qui appelle l’innovation et affranchit de la peur de l’inconnu. Son goût pour « le challenge » a ainsi mené l’artisan sur des chantiers grandioses, tels que l’Élysée, l’Hôtel Castries ou le Palais du Grand-ducal au Luxembourg…

Renforcer l’exigence
Engagée pour la sauvegarde du métier, l’entreprise val-de-marnaise forme en permanence des apprentis, dont un nombre croissant de jeunes femmes. « Il faut accentuer les exigences techniques dans les écoles, pour former des artisans de haute qualité », milite Thierry Lebufnoir, par ailleurs jury du concours Un des meilleurs ouvriers de France (Mof) et du BMA staffeur-ornemaniste. « Il ne suffit pas de transmettre, mais aussi de hisser le niveau, pour faire perdurer un savoir-faire que les autres n’ont pas : c’est le nerf de la guerre. » Honorable cheval de bataille…

Auberlet & Laurent en 5 dates
1873. Création de l’entreprise par les sculpteurs A. Auberlet, G. Laurent et P. Larue.
1898. Prix de Vancouver et Toronto. Multiples réalisations marquantes, telles que la reproduction du temple cambodgien d’Angkor-Vat, présentée de 1922 à 1925.
1961. Jean et Gilberte Lebufnoir rachètent l’entreprise et élaborent un catalogue d’ornements décoratifs en résine.
1998. Thierry Lebufnoir reprend l’entreprise et développe l’activité de pose. Son fils, Thibaut, intègre la société en 2017.
2018. Obtention du Label Entreprise du patrimoine vivant (EPV).