Organisation du travail

Pedro Gomes, professeur d’économie : "La semaine de quatre jours fonctionne"

Le 31/07/2024
par Propos recueillis par Gilmar Sequeira Martins
Chargé de coordonner l’expérimentation de la semaine de quatre jours menée durant un an au Portugal, le professeur d’économie Pedro Gomes révèle les conclusions de son rapport final. Un succès dont les artisans français, souples et agiles, peuvent s’inspirer.
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Le professeur d’économie Pedro Gomes a rendu les conclusions de son rapport final sur la semaine de 4 jours le 24 juin au gouvernement portugais.

À quelle conclusion parvenez-vous après une année d’expérimentation ?

La semaine de quatre jours fonctionne, puisque seulement 4 des 41 entreprises engagées dans ce nouveau mode de fonctionnement sont retournées à la semaine de cinq jours.

Ce n’est donc pas une utopie ni un mode de gestion radical ou extrême. Bien que sa mise en place puisse être complexe, c’est un facteur d’amélioration de la performance.

"Nous espérons mieux faire connaître le dispositif et lancer un débat public sur cette question."

En quoi cela améliore-t-il les performances des entreprises ?

Les dirigeants des entreprises ont indiqué que ce dispositif avait amélioré plusieurs facteurs :

  • l’efficacité des process de l’entreprise (70 %) ;
  • le fonctionnement des équipes (65 %) ;
  • l’utilisation des technologies disponibles (60 %) ;
  • les relations interpersonnelles (50 %) ;
  • et la visibilité de l’entreprise (40 %).

Plus de 90% des dirigeants ont estimé que ce dispositif n’entraînait aucun coût supplémentaire.

Durant l’année où le dispositif a été testé, 86% des entreprises ont vu leur CA augmenter (de 14% en moyenne), et 72% ont constaté une progression de leurs bénéfices.

Le recours aux heures supplémentaires et le turn-over ont baissé. Cela améliore aussi l’attractivité des entreprises, ce qui augmente leur capacité à recruter : dans 40% des entreprises, les dirigeants ont constaté une croissance du nombre de candidatures spontanées et de celles reçues après la publication d’une offre d’emploi.

Comment expliquez-vous ces résultats ?

La réduction du temps de travail fait baisser le taux d’absentéisme en diminuant le stress mais aussi les burn-out. Globalement, la sensation de fatigue a baissé de 20 points parmi les salariés !

Ce mouvement est observé aussi sur d’autres facteurs comme le niveau d’anxiété, la tension ou les problèmes du sommeil.

C’est aussi un dispositif qui permet de réduire les difficultés à concilier vie professionnelle et personnelle.

Ce dispositif favorise-t-il l’égalité hommes-femmes ?

C’est aussi un levier de réduction des inégalités entre femmes et hommes. La réduction du temps de travail est particulièrement appréciée par les femmes.

Sur tous les domaines (sentiment de fatigue, gains en matière de qualité de vie, etc.), elles portent une appréciation plus positive que les hommes.

Cela se traduit aussi dans la valorisation monétaire de ce dispositif. Alors que les hommes n’accepteraient de revenir à la semaine de 5 jours que si leur salaire était augmenté de 20%, les femmes n’accepteraient de changer que si leur salaire était augmenté de 31%. Cela montre que les femmes accordent une valeur bien plus importante à la réduction du temps de travail.

Quelles conditions faut-il réunir pour que cela soit un succès ?

Pour réussir cette transformation, il faut procéder à des changements, faire évoluer les process, augmenter l’utilisation des outils digitaux et de l’intelligence artificielle. Il faut aussi établir des plages horaires de travail sans aucune interruption.

L’enjeu de ces transformations, c’est l’augmentation de la productivité afin de maintenir la même production ou la même continuité de service. C’est la condition essentielle pour que les entreprises et les salariés y gagnent. La réduction du temps de travail est plus facile à mettre en œuvre dans les petites entreprises.

>> Plus d’infos : www.4dayweek.com (site exclusivement en anglais)

Chiffres clés

70% des Français se déclarent favorables à l’instauration de la semaine de 4 jours, contre 28% des dirigeants de TPE.

41% des dirigeants d’entreprise (au moins un salarié) mentionnent le risque d’une moins bonne coordination avec l’externe si les clients n’adoptent pas ce nouveau rythme de travail.

63 % des dirigeants considèrent l’organisation du temps de travail « flexible » dans leur entreprise, voire « très flexible » (27 %).

Source : Baromètre des TPE, enquête menée par l’Ifop pour Fiducial, juillet 2024.

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