Atelier d'Offard : mémoire de papier
Frais émoulu des beaux-arts d’Angers, le prof François-Xavier Richard, tout jeune papa, rencontre sa destinée à la faveur d’un “parcours métiers d’art” qu’il doit proposer à ses collégiens.
Son amour pour le papier peint est scellé au terme de l’année scolaire, son changement de cap aussi.
Un bref passage chez Mauny, référence locale en la matière, conforte son envie de se lancer. Seul mais déterminé. D’abord sur l’île d’Offard à Saumur.
Savoir lire entre les lignes
Vingt-cinq ans plus tard, capitaine d’un atelier de 600 m2 “plein de bonnes ondes”, le voilà prêt à nous révéler ses secrets de fabrication : “Une fois le dessin défini, nous fabriquons la plaque en matériaux composites (autrefois en bois) qui viendra, tel un tampon, appliquer le motif. Nous couchons d’abord le fond (la couleur principale) à l’aide de grandes brosses de soie. Les autres teintes sont appliquées successivement par passages millimétrés sous la presse manuelle.”
Pour un modèle en quatre couleurs, au rythme de 15 rouleaux de 10 mètres par jour et par couleur, comptez 4 jours sur le métier. Un travail de longue haleine auquel on ne se forme plus.
Au sein de son équipe (sept personnes, bientôt neuf), les profils sont variés, le découragement courant, le recrutement parfois incertain. Pourtant, l’atelier s’est fait un nom, plébiscité par les grands du luxe (Sisley, Boucheron, Le Bristol…), des particuliers désireux d’apporter une “touche Offard” à leurs belles demeures, ou sollicité pour restaurer des monuments prestigieux (pharmacie Santa Maria Novella à Florence…).
“Les matières vivantes, comme le papier, demandent à être apprivoisées. La météo, l’humeur du jour… influent sur le résultat.”
La marque de fabrique du dirigeant ? Être passé maître dans l’art de la reconstitution, soit un allié de taille pour les Monuments historiques et tout acteur de la préservation du patrimoine.
Celui qui se revendique “piètre historien doté d’une mémoire de poisson rouge” est ainsi en mesure, à partir d’un fragment négligé derrière un miroir, de reproduire un papier peint d’époque dans son entièreté. Ses points de repère s’accumulent au gré de ses collaborations avec des experts, de ses minutieuses recherches.
“En se référant aux motifs, aux modes, aux techniques (impression à la planche, dessin à la main), je peux dater un papier créé de la fin du XVIIe siècle à une époque plus contemporaine.”
Pour les maisons natales du réalisateur Éric Rohmer, de Proust ou de Colette, les investigations se poursuivent entre les lignes des œuvres littéraires, dans une filmographie, à la recherche de détails que d’autres jugeraient insignifiants : “La mère de Colette était passionnée de fleurs, cela a été une base de travail pour moi”, illustre celui qui s’autorise aussi une part d’interprétation, pour combler les trous de mémoire collective.
Intrinsèquement éphémère
Arraché, malmené, déconsidéré, ringardisé…, le papier peint a mis des siècles à conquérir ses lettres de noblesse et à affoler les aficionados de la déco.
Conscient de cette part d’éphémère, l’artisan d’art lutte surtout pour parfaire et préserver ce savoir-faire, à l’image du sanctuaire japonais Ise Jingu détruit et reconstruit tous les vingt ans pour perpétuer les méthodes de construction traditionnelles.
“Je m’applique à faire du papier peint un véhicule d’Histoire et de mémoire.”
Au-delà de cette mission quasi divine, le Tourangeau ne s’interdit pas de tracer d’autres voies. “Après deux ans de R&D et une bonne part d’obstination, nous avons réussi à recréer du carton-pierre, en vogue au XIXe, à partir de nos chutes de papier. Cette matière souple comme le cuir une fois mouillée et dure comme la pierre une fois sèche offre des applications infinies : décors de cinéma, mobilier, objets design…”
Les projets autour de ce nouveau matériau représentent 50% du CA, un avenir florissant pour l’atelier et une inspiration transgénérationnelle : Éloïse et Louis, formés au design et à la décoration intérieure, ont rejoint leur père pour inscrire son rêve dans la durée.
Dates clés
1999 : Création de l’atelier à Saumur aidé de son père qui lui fabrique tables, machines et presses.
2001 : Premier gaufrage (mise en relief).
2003 : Première tontisse (terme ancien du flocage), 180 rouleaux réalisés à la main pour un théâtre au Portugal.
2006 : Obtention du label Entreprise du patrimoine vivant.
2008 : Déménagement à Tours après un passage à Joué-lès-Tours.
2009 : Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la main qui offre à l'entreprise un rayonnement national.
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