Travail et handicap : au meilleur de soi
Aurélie Toyon - Maquilleuse : Se recentrer sur l’humain
À l’issue d’un vaste parcours dans la mode, la publicité et le marketing beauté, Aurélie Toyon a choisi la voie de l’artisanat en montant, en 2012, son activité de maquilleuse-masseuse. L’année suivante, la jeune quadra Parisienne est victime d’un accident, dont elle se relève avec un handicap. Dix-huit mois de soins lui sont nécessaires avant de pouvoir reprendre les rênes de son entreprise. Devant renoncer aux prestations de massage, qui lui sollicitent dès lors trop le corps, elle se tourne vers le conseil en image et le développement personnel, "pour aider les femmes à reprendre confiance en elles".
"J’ai longtemps été séduite par le côté "paillettes" de la mode et de la publicité mais une prise de conscience a accompagné mon accident. J’ai ressenti le besoin d’une plus grande recherche de sens, et l’envie d’accompagner les gens vers le bien-être, en y alliant quelque chose de quasi thérapeutique. Cela m’est venu presque naturellement." Aurélie rencontre alors la présidente d’Handiréseau (lire encadré ci-dessous), Dominique du Paty, "une personne attachante et rayonnante" qui lui ouvre son carnet d’adresses et lui permet de se rapprocher d’une clientèle toute différente, issue du monde du handicap. "Un vrai coup de pouce" qui apporte également à la jeune femme un nouveau spectre de perspectives, orienté vers "une approche humaine et des valeurs de solidarité. Cette richesse intérieure, je l’ai vraiment gagnée."
Jean-Pierre Crépel - paysagiste : Continuer
Passionné par la nature, Jean-Pierre Crépel n’a jamais pu s’éloigner longtemps de son métier de paysagiste. Les mains abîmées par de longues années de maniement d’outillage, le Haut-Savoyard subit toutefois en 2007 quatre opérations chirurgicales, qui le laissent avec des os en moins et une prothèse dans le poignet. Presque un coup d’arrêt.
"J’ai mis longtemps à accepter le fait que j’étais handicapé. Puis les contrôles intrusifs et répétés de la Sécurité sociale, auxquels je ne m’attendais pas. Avoir des soucis de santé quand on est à son compte est une vraie problématique. On nous fait insidieusement comprendre qu’un artisan ne peut être malade, ou alors c’est qu’il fait exprès ! Passer pour un malfrat est un sentiment difficile à gérer lorsque l’on est déjà affaibli… Il m’a fallu beaucoup de force mentale pour tenir bon."
Reconnu invalide au bout de cinq ans, l’artisan de Chapeiry (Haute-Savoie) bénéficie d’une étude ergonomique sur ses postes de travail. Des outils plus légers, moins vibrants, sollicitant moins les avant-bras lui sont préconisés. "Cela m’a changé la vie."
Jean-Pierre Crépel, qui a formé de nombreux apprentis, accueille également de façon régulière des stagiaires porteurs de handicap issus du CAT d’Annecy. "C’est passionnant de les recevoir, car il faut repenser son processus de travail, remettre en question sa pédagogie. Je tiens vraiment à leur montrer que l’on peut toujours s’en sortir. Cela permet aussi de se rendre compte qu’il y a toujours plus malheureux que soi…"
Hendry de la Rosa - CAP cuisine à l’EPMT : Avec les autres
Jeune apprenti cuisinier sourd de 20 ans, Hendry de la Rosa nous raconte son aventure entre salle de classe et fourneaux, accompagné de son traducteur en langage des signes : "J’étais enfant lorsque je suis arrivé en France. Je suis tombé immédiatement en amour pour la cuisine et ai voulu m’inscrire dans cette voie. Après un lycée hôtelier à Arras, je suis entré à l'École de Paris des Métiers de la Table (EPMT), où je poursuis actuellement mon CAP de cuisine en alternance. Depuis deux ans, ma motivation n’a fait que grandir. Découvrir les goûts, les saveurs, déployer sa curiosité gastronomique loin de la routine, c’est fantastique !
Mon environnement est celui des entendants, mais je m’en accommode bien. Nous utilisons souvent des documents visuels. Je n’hésite jamais à redemander quelque chose que je n’ai pas compris, sans timidité, et puis je mime… Tout n’est pas toujours évident, mais je veux aller au bout des choses. C’est mon caractère !
Plus tard, j’aimerais créer mon propre restaurant, sa carte, sa décoration d’intérieur… Devenir gérant seul sera peut-être difficile, mais je me verrais bien me lancer dans l’aventure comme adjoint ou partenaire. D’autant que j’aime profondément l’idée du collectif, du lien à autrui.
C’est aussi un message pour tous les jeunes en situation de handicap. Pour leur dire de ne surtout jamais baisser les bras. Tout le monde peut trouver sa place, une activité – même adaptée – dans la société, et s’y intégrer. Par ma présence dans l’univers de la cuisine, je prouve que c’est possible !"
Handiréseau avec l’artisanat
Dominique du Paty est à la tête du cabinet conseil Handiréseau, centré sur le handicap et les fragilités dans le monde du travail. L’organisation s’est récemment engagée pour faire connaître l’artisanat aux jeunes en situation de handicap, "une voie vers laquelle ils ne sont que rarement orientés ou accueillis. Or, en France, de nombreux artisans proches de la retraite ne trouvent pas de repreneurs à leur activité, et tout un savoir-faire est en passe de se perdre. Alors pourquoi des jeunes personnes appliquées et désireuses de s’intégrer dans un écosystème de travail ne s’orienteraient pas dans ces branches ?" L’un transmet le geste et l’excellence, l’autre gagne en confiance et en compétences : "Ce sont des rencontres gagnantes-gagnantes. Il faut donc tout mettre en œuvre pour les faire advenir. Entreprendre, c’est aussi "entre-prendre"".
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