Retraite

Régimes supplémentaires : quelle place pour la retraite par capitalisation ?

Le 03/03/2020
par Lisiane Fricotté
Les menaces pesant sur les régimes obligatoires (assurance vieillesse et Agirc-Arrco) conduisent naturellement les actifs et les retraités à envisager l’introduction de compléments en capitalisation à côté des retraites en répartition. Une réforme d’ampleur entre en application et va modifier la donne.
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Une population très ciblée

Le taux de remplacement du dernier revenu d’activité par les pensions (base et complémentaires) varierait de 45% à 75%. Selon le profil de carrière, le niveau de salaire plus ou moins élevé, le taux de remplacement peut être insuffisant. Outre les mécanismes d’épargne salariale qui touchent l’ensemble des salariés, des régimes supplémentaires peuvent être mis en place.

La réforme de l’épargne retraite contient des mesures qui conduisent à modifier la configuration de ces régimes :

  • les régimes à prestations définies sont soumis à une nouvelle réglementation, adaptée à une directive européenne ;
  • les régimes à cotisations définies existants sont repris sous la forme d’un autre dispositif : les PER d’entreprise obligatoires.

>> Lire aussi à ce sujet notre article "Epargne : quels sont les nouveaux outils ?"

Cotisations ou prestations définies ?

Deux grands types de régimes en capitalisation ont co-existé :

>> Ceux qui garantissent un certain niveau de revenu au moment du départ à la retraite. Ce sont notamment des "retraites chapeau" car ces régimes s’ajoutent aux prestations de base et complémentaires. De fait, ces régimes concernaient le plus souvent des mandataires sociaux ou dirigeants. Dans ce système, le risque était supporté par l’employeur tenu de prendre les mesures permettant d’honorer la promesse de pension de l’entreprise. Inconvénient pour le salarié : s’il quittait l’entreprise avant son départ en retraite, il perdait, en principe, ses droits.

Sous l’influence du droit européen, ce dispositif est redéfini et encadré juridiquement (Ordonnance 2019-697 du 3 juillet 2019).

Le fait de conditionner l’acquisition des droits à retraite à une durée de présence dans l’entreprise à la date de son départ entrait en contradiction avec la directive 2014/50/UE du 16 avril 2014 (relative aux prescriptions minimales visant à accroître la mobilité des travailleurs entre les États membres en améliorant l’acquisition et la préservation des droits à pension complémentaire). La transposition de la directive est l’occasion de revoir ce dispositif en profondeur. La loi Pacte a permis au Gouvernement de prendre une ordonnance afin de modifier le cadre juridique. L’ordonnance pose les caractéristiques juridiques d’un contrat de retraite supplémentaire (Ordonnance du 3 juillet 2019 précité).

Principale conséquence : les droits sont "certains" (et non plus "aléatoires" et conditionnés à une présence au moment du départ). Ils peuvent être subordonnés à une condition d’ancienneté ou une durée minimale de cotisations (trois ans maximum pour la durée totale). Autres conséquences : si la durée n’est pas atteinte au moment du départ de l’entreprise, un remboursement des cotisations est possible à l’entreprise voire au bénéficiaire (qui peut donc participer financièrement). En outre, les droits du bénéficiaire sortant doivent être revalorisés.

Une fois définies les conditions, restent à voir le champ et le régime applicable : peuvent être concernés un ou plusieurs salariés, étant précisé que pour les autres salariés un dispositif doit être prévu.

>> Ceux qui ne garantissent pas le niveau de la prestation, mais le montant de la cotisation et qu’on appelle régimes "à cotisations définies". Dans un tel système, l’employeur ne s’engageant pas sur un montant de pension, le salarié ne peut connaître le montant exact de sa pension supplémentaire. Par contre, il ne perd pas ses droits acquis s’il quitte l’entreprise. Ces régimes à cotisations définies prennent le nom de Plan épargne retraite obligatoire (Pero) selon le nouveau cadre juridique défini par les textes sur l’épargne salariale.

Régime social

Un régime social attractif accompagne les dispositifs de retraite supplémentaire.

Contribution patronale

Pour les nouveaux plans d’épargne retraite obligatoires et les régimes à cotisations définies, sous réserve que le régime soit collectif et obligatoire, des avantages fiscaux et sociaux s’y rattachent. Avantage pour l’employeur : ses cotisations sont, dans certaines limites, exonérées de charges sociales et déductibles de l’impôt sur les sociétés. Quant au salarié, il bénéficie lui aussi d’une déductibilité sociale et fiscale.

Pour les contributions finançant les régimes à prestations définies, jusqu’à présent, le régime social "de faveur" nécessitait que le financement des primes ne soit pas individualisable. Avec la réforme et notamment la fin du caractère "aléatoire" de ces avantages, les conditions d’application du régime social exonératoire sont redéfinies. Les conditions portent sur la qualité des bénéficiaires, leurs performances professionnelles ainsi que sur le plafonnement des droits (3% de la rémunération). Par ailleurs, les autres salariés doivent pouvoir bénéficier d’un autre dispositif d’épargne retraite.

Si ces conditions sont remplies, une contribution unique est calculée avec un taux unique pour les régimes créés depuis le 4 juillet 2019. Les sommes versées par l’employeur pour leur financement sont soumises à une contribution de 29,7% (CSS, art. L. 137-11-2). Ce taux correspond en fait au taux cumulé de la CSG, de la CRDS et du forfait social.

Pour les régimes à droits aléatoires (déjà en place avant le 4 juillet 2019) et désormais fermés, le régime social reste celui qui était applicable auparavant avec une taxe spécifique qui s’applique, soit sur les primes (taux de 24% et de 48% en cas de gestion interne), soit sur les rentes (taux de 32% sur la totalité de la rente).

L’option est prise par l’employeur de manière irrévocable. La contribution est versée aux Urssaf. Toutefois en cas de décision de transfert vers un nouveau régime, l’entreprise peut modifier son option avant le 1er janvier 2021 et devra verser une contribution libératoire (Ordonnance précitée).

Une contribution additionnelle au taux de 45% (au lieu de 30%) sur les rentes supérieures à 8 fois le plafond annuel de Sécurité sociale devait s’ajouter mais le Conseil constitutionnel a déclaré ce dispositif non conforme à la Constitution : il a considéré que les effets de seuil résultant de l’institution de cette contribution additionnelle étaient excessifs et créaient une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques (Conseil constitutionnel, 20 novembre 2015, QPC n° 2015-498 ; CSS, art. L. 137-11).

Contribution salariale

Une contribution salariale est prélevée sur les rentes versées au titre des régimes de retraite à prestation définie. Le taux varie selon la valeur et la date de versement de la rente.

A savoir

Les anciens dispositifs existants avant le 4 juillet 2019 sont fermés et les droits conditionnels sont gelés pour les périodes d’emploi postérieures au 1er janvier 2020 (sauf exceptions). Ou bien il est possible, pour l’entreprise, sous certaines conditions, de transférer les droits vers un nouveau régime respectant le nouveau cadre légal.

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