Interview

Benjamin Stalter : l’engagement en héritage

Le 15/04/2021
par Propos recueillis par Cécile Vicini
À seulement 32 ans, Benjamin Stalter suit un parcours sans faute : formation par la voie de l'apprentissage (CAP, BP, Brevet de maîtrise supérieur), reprise du salon historique de son illustre papa, Bernard Stalter, en 2001, à Brumath (Alsace). En parallèle de ses activités professionnelles, l’artisan coiffeur, reconnu dans son secteur, vient d’être élu à la présidence de l’Unec 67 aux côtés de Sabine Pires. Alors quelles sont ses priorités et ses ambitions ?
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LMA : Vous venez d’être élu président de l’Unec 67 (Union nationale des entreprises de coiffure du Bas-Rhin) avec Sabine Pirès : pourquoi ce fonctionnement en tandem ? 

Benjamin Stalter : Cela fait longtemps que l’on travaille ensemble, que ce soit sur des événements artistiques ou ceux à dimension syndicale. 

Nous jouons sur la complémentarité : Sabine est coiffeuse à domicile et moi en salon. Cette ouverture permet d’inclure toutes les facettes de la profession au sein de l’Unec. Il s’agit également d’assurer une présence permanente à ce poste en cas d’indisponibilité de l’un ou de l’autre. 

Quelles sont vos trois premières priorités ? 

1. Le développement durable : mettre en place des actions qui perdurent dans le temps et qui soient ancrées dans les esprit des clients. 

Je pense notamment à la récolte de cheveux qui peuvent être utilisés à différentes fins : pour absorber les marées noires, pour confectionner des tapis qui remplacent les bâches en plastique dans les champs… Ou encore à l’électricité verte, pour alimenter les salons de coiffure de façon vertueuse.

D’ailleurs, nous venons de signer un partenariat avec l’Électricité de Strasbourg pour que nos établissements soient approvisionnés en électricité 100% verte. 

Nous souhaitons accompagner les salons pour mettre en place ces actions et les aider à trouver des partenaires fiables et sérieux pour qu’elles puissent les faire perdurer dans le temps. 

2. L’apprentissage : avec la crise sanitaire, la filière ainsi que de nombreux concours ont été mis en suspens. Il s’agit de recréer un lien entre le client, l’apprenti et le maître d’apprentissage. Il est difficile d’apprendre quand les élèves ne sont pas présents en salon. 

Nous venons ainsi de lancer un concours au niveau local sur le thème de l’exubérance. Les participants doivent envoyer trois photos de leur réalisation et un jury déterminera les finalistes. Ces derniers présenteront le travail réalisé en présentiel avant de désigner le grand gagnant. 

3. La promotion de la coiffure dans sa globalité : Soutenir les adhérents au niveau moral ou juridique. Nous avons des patrons coiffeurs qui peuvent se sentir seul : c’est notre rôle de les accompagner. Nous souhaitons pour cela renforcer notre présence au sein des entreprises de coiffure

Quel message souhaitez-vous passer aux artisans coiffeurs et, plus globalement, aux artisans contraints par cette crise à mettre la clé sous la porte ? 

Même si les artisans ne sont pas adhérents à l’Unec, nous sommes là pour répondre à leurs questions. 

Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons eu de nombreuses demandes : nous y avons répondu face à l’urgence. 

Pour les entreprises qui sont contraintes de fermer, nous pouvons leur apporter un accompagnement en leur proposant un état des lieux, trouver avec eux les solutions qui peuvent être mises en place avant d’en arriver à ce point de non-retour. 

Si c’est inévitable, alors nous pouvons apporter des conseils propres à cette procédure, comme la vente du fonds de commerce, etc. 

En France, la fermeture d’une entreprise est souvent perçue comme un échec, ce qui est un tort, car c’est une preuve de courage, qu’on est capable de prendre les bonnes décisions au bon moment et de ne pas s’enfoncer dans une situation encore plus difficile. Il faut en tirer du positif, voir cette étape comme un apprentissage

Votre père, Bernard Stalter, avait atteint les plus hautes responsabilités, notamment en tant que président de CMA France. Avez-vous l’ambition de suivre ses traces, au niveau national par exemple ?

Si vous m’aviez posé la question il y a un an, j’aurais dit "jamais". Pourtant je suis là. Pour le moment, je me laisse porter par le travail qu’il y a à faire du point de vue local. 

Ce que mon père a fait, je ne le ferai jamais aussi bien !

En Alsace, nous sommes très attachés à la proximité, mais si les projets et les combats pour la défense des artisans peuvent être portés plus facilement au niveau national, alors je le ferai sans hésiter.

Entre le fait d'être coiffeur à la Fashion week de Paris et de diriger le salon de Brumath, comment réussissez-vous à être sur tous les fronts ? 

Beaucoup d’organisation et d’anticipation sont nécessaires. Les événements artistiques comme la Fashion week bouclent leurs agendas longtemps à l’avance, ce qui permet de gérer mon planning. 

Ma priorité reste les clients en salon, d’ailleurs j’y suis du jeudi au samedi. Le reste du temps est partagé entre le management, la formation. Si un ou une client(e) au salon veut être coiffé(e) par Benjamin Stalter, il/elle sait qu’il faut avoir de la flexibilité dans son agenda (rires). 

L’important, c’est d’avoir de bonnes équipes sur lesquelles s’appuyer car ce sont elles qui viennent en soutien. J’ai de bonnes managers qui prennent bien le relai : sans le soutien de mes équipes, je n’y arriverais sûrement pas

CMA France a annoncé le lancement des « Trophées de l’apprentissage dans l’artisanat » dont le 1er prix portera nom de votre père, et le CFA d’Eschau vient d’être rebaptisé CFA Bernard Stalter : quel est votre ressenti face à ces hommages ?

Je ressens un mélange de fierté et d’honneur. Jamais je n’aurais pensé que cela arriverait. 

Cela va permettre de faire perdurer l’oeuvre de mon papa et, d’ici quelques années, de faire connaître son nom aux futurs apprentis pour qu’ils sachent qui était Bernard Stalter, ce qu’il a accompli. Un nom et un prénom sont gratifiants pour un fils et une famille, mais surtout, c’est un bel exemple pour montrer que l’apprentissage n’est pas une voie de garage

Le plus important, c’est de prouver aux jeunes générations que, même en sortant de l’école à 14 ans, comme lui, si on se donne les moyens, un champ d’opportunités s’offre à nous

Pour les Trophées de l’apprentissage dans l’artisanat, c’est une belle mise en valeur de cette filière auprès du grand public. En France, les politiques n’ont pas encore fait assez de chemin pour valoriser cette voie de formation.

Il y a encore quelques semaines, j’entendais un chef d’établissement de collège dire que les mauvais élèves devaient être envoyés en apprentissage. Ce n’est pas normal qu’en 2021 on puisse encore entendre de telles choses. J’espère que ces trophées vont permettre de soutenir la filière et, surtout, de faire changer les mentalités.

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