Gabrielle Légeret : « Réintégrer l’intelligence manuelle dans le scolaire »
Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à l’artisanat ?
Je n’ai pas eu un parcours très académique ; en échec scolaire, j’ai redoublé deux fois de suite – ce qui surprend souvent ceux qui savent que j’ai fait Sciences Po. La scolarité peut être une vraie souffrance.
"J’ai rencontré un enseignant qui m’a permis de trouver mon chemin, mais je suis profondément indignée de tous ces enfants que l’on laisse sur le bas-côté sous prétexte qu’ils ne collent pas aux attendus académiques."
Notre système éducatif actuel ne valorise qu’une seule forme d’intelligence. Or l’intelligence manuelle est un puissant levier pour faire grandir sa confiance en soi, développer ses capacités cognitives et ses apprentissages moteurs.
Ce sentiment d’injustice m’a poussée à créer De l’or dans les mains, pour réintégrer l’intelligence manuelle au sein des parcours scolaires. Grâce à l’intervention d’artisans qui animent des ateliers de pratique artisanale dans les collèges (classe de 5e), avec en parallèle les enseignants qui abordent nos outils pédagogiques pour tisser des liens entre programmes scolaires et pratique artisanale.
"Aujourd’hui, 4.000 jeunes bénéficient d’un parcours de 15 heures d’initiation aux métiers de la main. Les artisans sont rémunérés et nous les accompagnons pour faire des ponts entre leur travail et le programme scolaire. Pour eux, c’est une démarche de transmission."
Nous avons 71 établissements scolaires sur liste d’attente, la volonté est là : rejoignez-nous !
Quels en sont les fruits ?
L’artisanat ne fait plus partie de l’imaginaire collectif des jeunes : 64% de nos bénéficiaires ne connaissaient aucun des métiers présentés avant notre intervention… Après, 71 % des collégiens disent avoir pris conscience de capacités manuelles qu’ils ignoraient et un élève sur deux veut exercer un métier où il crée avec ses mains.
"Demain nous n’aurons pas besoin de millions de dirigeants en marketing, mais d’hommes et de femmes qui savent faire apparaître un objet sur terre avec les ressources qui resteront."
Réintégrer ces pratiques dans le scolaire, c’est reconnecter les jeunes au réel, à l’environnement (circuits courts…), et au-delà, susciter des vocations. On est tous dans le digital, et, comme le dit le chercheur Aurélien Fouillet, 'il faut rebasculer dans la culture du matériel pour prendre conscience de la valeur d’un objet et du travail qu’il y a derrière'. Le futur consommateur préférera ainsi acheter chez un artisan que chez Ikea…
Vous pilotez l’axe jeunesse de la stratégie gouvernementale en faveur des métiers d’art. Quelles sont vos grandes lignes d’action ?
L’objectif est d'initier 35.000 jeunes aux métiers d’art. Pour cela, plusieurs mesures doivent être structurées :
- l’accès aux stages de 3e d’élèves en quartiers prioritaires de la ville au sein d’ateliers (via www.monstagedetroisieme.fr),
- la systématisation de l’initiation grâce à la mobilisation du tissu associatif (L’Outil en main France, l’Institut national des métiers d’art, la Source Garouste, Ré-enchantement…) et des institutions culturelles,
- la production de supports pédagogiques (le cahier pédagogique 'Je découvre les métiers de la main' vient de sortir, en partenariat entre autres avec l’Onisep),
- l’éligibilité des structures d’initiation aux métiers d’art au Pass Culture.
- Connectez-vous ou inscrivez-vous pour publier un commentaire