Quelle est la nouvelle stratégie du gouvernement en faveur des métiers d’art ?
340 millions d’euros. C’est le budget alloué par le gouvernement pour soutenir un secteur très fragilisé par la crise sanitaire et par l’inflation, mais aussi pour "structurer, transmettre et développer" un savoir-faire qui pèse dans l’économie française.
"C’est une filière stratégique pour l’emploi et la compétitivité", a précisé Olivia Grégoire, rappelant que les métiers d’art représentaient 19 milliards d’euros sur l’année 2019. Le tout réparti sur le vaste panel du secteur, composé de 281 métiers et de 60.000 entreprises.
Une stratégie en cinq axes
- Valoriser les métiers d’art auprès de la jeunesse ;
- Former et transmettre : excellence et métiers d’art ;
- Ancrer les métiers d’art au cœur des territoires ;
- Soutenir la recherche, l’innovation et la création ;
- Développer les métiers d’art à l’international.
Le carnet de route de cette stratégie a été clairement énoncé : conclure, d’ici trois ans, un "contrat stratégique de filière" entre deux partis : l’État et les entreprises.
Et les mesures sont urgentes : au-delà de la fragilité de ces métiers, la question de la transmission des gestes humains et des techniques ancestrales est primordiale pour les pérenniser.
C’est pourquoi le premier axe de ce vaste chantier porte sur la jeunesse, dès l’enfance, en décuplant les moyens de "montrer le potentiel des métiers d’art", de "susciter des vocations" et d’ "éviter la déperdition de certains savoir-faire" en valorisant davantage l’intelligence de la main.
"Pour grandir, les métiers d’art ont aussi besoin de s’ouvrir et c’est ce que cette stratégie leur permettra, en amenant les métiers d’art non pas seulement au plus près de leurs clients, mais auprès de tous les publics", Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme.
Pour atteindre ses objectifs, l’État prévoit :
→ L’ouverture de 1.000 places de stages de 3e auprès d’artisans d’art,
→ La création de 730 nouvelles activités dédiées aux métiers d’art pour les 15-19 ans via le Pass culture,
→ Le développement d’ateliers découverte pour 35.000 jeunes via un réseau d’associations.
Et la réforme des lycées professionnels tombe à pic. Ou plus précisément, elle vient épouser les ambitions de cette stratégie nationale, notamment via le versement d’une allocation de stage durant les périodes de formation en entreprise (dont les entreprises artisanales).
"Numériser les gestes d’artisans"
Les métiers de la main nécessitent des années de pratique avant d’atteindre une maîtrise parfaite.
Pour éviter "la déperdition de certains savoir-faire", le gouvernement annonce qu'il souhaite développer la "numérisation des gestes d'artisans". Le budget consacré au "dispositif Maître d’art – élève, permettant la transmission de métiers rares", sera également doublé.
Autre mesure annoncée : la reconduction du Crédit d’Impôts Métiers d’Art (CIMA), qui devait expirer à la fin de l’année 2023. Pour rappel, ce dispositif permet "d'alléger les coûts de conception et les coûts salariaux".
Des ambassadeurs pour créer du lien
En lien avec le pass Culture, une communauté de jeunes ambassadeurs des métiers d’art pour créer un lien qualitatif et pédagogue entre jeunes sera créée.
Pour mettre en œuvre cette synergie, seront organisés :
- Des visites d’ateliers,
- Des sessions de questions/réponses,
- Des événements locaux.
Des ateliers découverte
Dans le cadre du plan de découverte des métiers du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, généralisé à tous les collèges à compter de la rentrée 2023, les activités de découverte des métiers d’art de la 5e à la 3e s’appuieront sur des rencontres avec les professionnels au collège ou directement dans leur environnement de travail.
Un référent sera en place dans chaque collège et aura la charge de coordonner les actions, les rencontres avec des professionnels et les déplacements des élèves.
Des ateliers découverte pour 35.000 jeunes
L’Inma - Institut national des métiers d’art sera chargé de généraliser sur tout le territoire des ateliers pratiques de découverte des métiers d’art en direction des collégiens, en s’appuyant sur le travail des associations comme De l’Or dans les mains, L’Outil en main, des Compagnons du devoir, des Meilleurs Ouvriers de France, etc.
Une offre de formation continue plus riche
D’après les retours du terrain, les formations aux métiers d’art sont encore trop "dispersées" et "fragmentées" : elles peinent à trouver leur public et sont fragilisées, faute de financement par les organismes privés.
Des parcours de visites avec médiation seront proposés au sein des musées nationaux (musée d’Orsay, musée des Arts décoratifs, ...) aux professionnels des métiers d’art enregistrés dans les chambres de métiers et de l’artisanat.
Dans les manufactures nationales, un centre de formation des apprentis (CFA) dédié aux métiers de la décoration sera créé à l’initiative du Mobilier National.
Il permettra d’assurer l’ensemble des formations aux métiers d’art des manufactures nationales, de les harmoniser, de prendre en compte les besoins des manufactures et des ateliers en région, mais aussi de favoriser les coopérations internationales.
Il s’agira d’ouvrir ce CFA aux métiers devenus "orphelins" de formation, ou en tension dans les domaines connexes de ceux des manufactures (tissage textile, orfèvrerie de table, horlogerie).
Ce CFA devra aussi faciliter les reconversions professionnelles à l’entrée et à la sortie de ces métiers par des partenariats avec les acteurs de la formation continue.
Poursuivre l’Accélérateur « Savoir-faire d’exception » de Bpifrance
L’Accélérateur de Bpifrance Savoir-faire d’exception est un programme d’accompagnement intensif qui réunit 25 dirigeants d’entreprises des métiers d’art, liées à la création de biens et services ou à la restauration du patrimoine.
Au cours d’un parcours de 18 mois, et portés par un véritable "esprit de promotion", les dirigeants structurent leur entreprise en profondeur, partagent entre pairs et se connectent à l’écosystème de la filière.
→ Après une première édition réussie en décembre 2022, l’opération est reconduite en 2024 et 2025.
Créer des pôles territoriaux Métiers d’Art dans les territoires
Dans le cadre de France 2030, 46,8 millions d’euros seront dédiés à la création de pôles territoriaux des industries culturelle et créatives, en majorité centrés sur les métiers d’art, du design et de la mode.
Ce dispositif ambitieux soutient l’émergence d’initiatives mutualisées qui visent à structurer un écosystème local ou régional (partage de ressources et de matériaux, ateliers collaboratifs, "makerspace", expositions, temps de ventes en commun...).
Mieux aider à la reprise d’atelier
Les artisans d’art pourront désormais bénéficier d'une allocation d'installation d'atelier (AIA) ou d’achat de matériel attribuée par le ministère de la Culture.
Cette aide était jusqu’ici réservée aux artistes du champ des arts visuels (peinture, dessin, sculpture, photographie, design).
Maintenant élargie à d’autres métiers des métiers d’art, elle permettra de financer l'installation d’ateliers et l’achat de matériel dans les domaines des arts décoratifs et des métiers d’art, "en tenant compte de l'intérêt artistique du projet, des conditions de sa réalisation et de la démarche professionnelle du demandeur".
Développer des manufactures de proximité
Espaces de production et de travail mutualisés, les manufactures de proximité permettent de regrouper des communautés de professionnels, et contribuent à la relocalisation de l’activité de production et au renforcement économique des territoires.
100 manufactures ont d’ores et déjà été créées dont la moitié sont consacrées aux métiers d’art.
Pour renforcer ce maillage territorial, 10 nouvelles manufactures de proximité seront lancées en 2024 pour soutenir les tiers-lieux productifs et les ateliers partagés dans les territoires.
Créer un fonds de soutien aux métiers d'art dans les territoires
Le ministère de l’Artisanat a annoncé soutenir le développement d’un fonds de soutien aux métiers d’art et ce, par l’intermédiaire de la Fondation du Patrimoine.
→ Concrètement, il s’agira d’identifier les projets locaux faisant appel à ces savoir-faire, et de soutenir en priorité ceux qui mobilisent les métiers du patrimoine les plus fragiles, selon un cahier des charges défini avec le ministère.
Un label EPV revalorisé
Créé en 2005, ce label d'État rattaché au ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a été mis en place pour distinguer des entreprises françaises artisanales et industrielles aux savoir-faire rares et d'exception.
Attribué pour une période de cinq ans, il rassemble des fabricants attachés à la haute performance de leur métier et de leurs produits.
Il apporte aux entreprises labellisées une reconnaissance nationale et internationale. Il favorise également leur développement, permettant notamment de bénéficier d’une majoration du Crédit d’Impôt Métier d’Art (CIMA).
Ainsi, les entreprises EPV peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 15% de la somme des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série, ou à la restauration du patrimoine (contre 10% pour les entreprises non labellisées).
Les pistes :
• Renforcer la marque EPV
• Réviser les critères d'attribution du label EPV afin de renforcer son excellence
• Créer un site Internet dédié
• Créer un "incubateur EPV" afin de repérer et accompagner les TPE/PME à signaux faibles vers une candidature et l’obtention du label. Cet incubateur sera piloté par les CMA en synergie avec les associations régionales des EPV.
• Lancer le plan "2.500 EPV en 2025".
Porter l'excellence du savoir-faire français à l'international
Patrimoine français en perpétuelle réinvention, les métiers d’art constituent des savoir-faire particulièrement valorisés et recherchés à l’étranger.
L’enjeu est aujourd’hui de les rendre plus visibles et de valoriser les échanges entre artisans français et étrangers, par le biais de programmes de résidences, mais également d’une présence renforcée lors de grands événements internationaux.
Cette stratégie nationale devrait permettre de faciliter les débouchés à l’export pour les professionnels.
En marge de ces annonces, Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, a déclaré à propos des métiers d'art : "À l’heure où l’intelligence artificielle progresse à pas de géants, ils incarnent le pouvoir infini de l’outil le plus humain qui soit : la main. Ils symbolisent l’excellence française dans le monde et la promesse d’objets façonnés avec minutie et patience, imprégnés de l’histoire du lieu qui les voit naître. Face à la production de masse et aux objets jetables, les artisans d’art sont porteurs de valeurs qui donnent foi en l’avenir. Dans leurs ateliers, l’outil en main, ils produisent avec passion des objets uniques et durables où rien n’est gaspillé, où notre patrimoine ne cesse de se réinventer."
De son côté, Joel Fourny, président de CMA France, présent au Mobilier National pour ces annonces, a réaffirmé son engagement pour accompagner les artisans d'art sur l'ensemble du territoire.
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