Les entreprises artisanales forment toujours plus d’apprentis
Après avoir dressé le panorama de la création d’entreprise, le tout dernier baromètre ISM-MAAF s’intéresse cette fois au bilan de l’apprentissage dans l’artisanat pour l’année scolaire 2022-2023. Et les résultats sont positifs pour la voie de formation la plus prisée du secteur.
Avec une hausse de 5% (une dynamique, certes, moins soutenue que l’an passé avec ses 14%), le bilan vient conforter la belle progression engagée depuis la réforme de 2018. La loi "Pour la liberté de choisir son avenir professionnel" a effectivement permis d’ouvrir les portes des centres de formation d’apprentis à des profils plus variés et d’accorder des aides à l’embauche très incitatives aux chefs d’entreprise.
"En accueillant de plus en plus d’apprentis aux parcours moins linéaires (élèves ou étudiants en réorientation, demandeurs d’emploi ou salariés en reconversion…), l’artisanat se distingue par une grande inclusivité et l’apprentissage s’impose comme une filière d’excellence pour les reconversions des jeunes adultes. Des enjeux qui sont cruciaux pour les entreprises artisanales dont les besoins de recrutement sont énormes", souligne Catherine Élie, directrice des études de l’Institut Supérieur des Métiers (ISM), qui réalise ce baromètre avec le soutien de MAAF.
"Avec une croissance de +5%, l’apprentissage permet l’accès à la formation et l’emploi de plus de 203.000 jeunes partout en France pour l’année scolaire 2022-2023. Ces chiffres permettent de souligner l’attractivité de l’artisanat auprès des jeunes et la volonté tenace des petites entreprises de s’engager à leur côté pour transmettre leurs savoirs", Antoine Ermeneux, Directeur général de MAAF
L’attrait de l’artisanat pour les jeunes adultes en reconversion
Si une majorité d’apprentis prépare un diplôme de niveau 3 de type CAP (61%), la réforme a permis, dans tous les secteurs, l’élévation des niveaux de diplômes et engendré une hausse spectaculaire : +126% d’apprentis en formation post-Bac depuis 2018.
En toute logique, les profils d’apprentis se diversifient fortement : la part des apprentis de plus de 25 ans a doublé depuis 2018.
Les jeunes en reconversion ou en réorientation professionnelle se tournent également plus largement vers les métiers de l’artisanat qu’auparavant (le secteur forme à lui seul plus d’un apprenti sur 5). Un regain d’intérêt qui profite à de nombreux secteurs comme la coiffure, la pâtisserie, la fleuristerie ou encore les métiers du bois.
Gageons que le taux record d’emploi à 6 mois de 67% n’est pas anodin quand de jeunes diplômés en quête de sens veulent se tourner vers des métiers porteurs offrant de forts débouchés et la garantie d’un épanouissement professionnel comme personnel…
"Avec un taux d’emploi record et qui ne cesse d’augmenter depuis 2018, l’apprentissage reste plus que jamais un tremplin pour accéder rapidement à l’emploi", Catherine Élie, directrice des études de l’ISM
Une progression portée par les services et la fabrication
Le baromètre ISM-MAAF pointe toutefois des disparités selon les secteurs d’activité.
Si l’artisanat des services (+9%) et de la fabrication (+8%) affiche un dynamisme certain (+63% d’apprentis ambulanciers et +26 % en fabrication de prothèse dentaire par exemple), l’alimentation perd 3 points sur l’année scolaire visée. Pourtant très impliqué dans l’apprentissage, ce secteur pâtit d’une baisse des apprentis en boulangerie (-3%) et en boucherie-charcuterie (-10 %). La preuve qu’un plafond a peut-être été atteint, selon les porteurs de cette étude.
Les 5 activités artisanales qui forment le plus grand nombre d’apprentis en 2022-23
- La boulangerie-pâtisserie : 28.450 (-3%)
- La coiffure : 22.970 (+8%)
- La réparation automobile : 17.950 (+5%)
- Les services d’aménagement paysager : 11.420 (+6%)
- Les travaux d’installation électrique : 10.850 (+2%)
Les femmes de plus en plus nombreuses
Un chiffre illustre à lui seul la féminisation grandissante dans l’apprentissage : 53% des apprentis en pâtisserie sont des femmes (elles n’étaient que 44% en 2018-2019).
Outre l’alimentation, vers laquelle elles se tournent largement, les femmes sont également de plus en plus présentes dans les entreprises qui forment aux métiers de la fabrication. Elles représentent par exemple désormais 61% des apprentis dans le secteur de la prothèse dentaire (contre 49% au moment de la réforme).
"Depuis 2018, un public de plus en plus varié se tourne vers l’apprentissage : jeunes en reconversion, reprise d’études… Les femmes sont d’ailleurs de plus en plus présentes parmi les apprentis. Cette diversité apporte une richesse nouvelle à l’apprentissage de l’artisanat, qui conserve une place centrale dans la formation et l’emploi des jeunes", Antoine Ermeneux, Directeur général de MAAF
Une dynamique positive dans toutes les régions
Hormis dans les DOM-TOM, le nombre d’apprentis formés en entreprise artisanale progresse dans toutes les régions de métropole, et plus particulièrement dans les régions du Nord et de l’Ouest.
La Nouvelle-Aquitaine et la Bourgogne-Franche-Comté connaissent la plus forte hausse avec 7% d’apprentis supplémentaires formés dans l’artisanat.
Et bientôt le million ?
Si en l’espace de cinq ans, le nombre d’apprentis a quasiment triplé en France, passant de 321.000 en 2018 à 852.000 en 2023, le cap du million d’apprentis d’ici 2027 est un objectif dont Emmanuel Macron ne s’est jamais départi. Mais est-il encore financièrement tenable ?
Dans un rapport publié le 5 septembre, l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) indiquait que "la dépense nationale pour la formation et l’apprentissage a connu une augmentation de 51% depuis 2020 pour atteindre 32 milliards d’euros en 2022, dont plus de 5 milliards d’aides aux contrats d’apprentissage, l’État en étant le principal financeur".
Des dépenses assez contradictoires avec les réductions budgétaires nécessaires au pays dont l’économie de 1,5 milliard d’euros à atteindre en 2025 fixée dans la précédente loi de projet de finances publiques…
Parmi les pistes envisagées pour réduire la dépense : exclure du dispositif les très grandes entreprises (plus de 1.000 salariés, voire plus de 250) ou les jeunes visant des formations supérieures (éloignés des profils habituellement visés par l’apprentissage, majoritairement en CAP).
"Selon l’Inspection générale des Finances et celle des affaires sociales, supprimer l'aide à l'embauche de 6.000 euros, pour les niveaux licence et master, permettrait de réaliser plus de 550 millions d'euros d'économies en 2025."
Avant que n’interviennent de tels arbitrages, place à la fête et bon courage à l’Équipe de France des métiers qui défend jusqu’au 15 septembre, à Lyon, les couleurs de la France et les valeurs de l’apprentissage à l’occasion des Worldskills.
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