Plateformes : vers plus d'équilibre ?
Dans notre précédent dossier sur le sujet, Alain Griset, président de l’U2P, proposait l’"u2pisation" comme alternative à l’ubérisation évoquant alors "un cadre où l’entrepreneur reste au cœur du pro-cessus, sans possibilité d’exploitation".
C’est justement pour rétablir le dialogue entre plateformes et entrepreneurs que Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique, a lancé en novembre dernier, en prévision des achats de Noël, un espace sur Internet afin que les TPME puissent révéler les pratiques abusives dont elles ont été victimes.
Les motifs de discorde
Mounir Mahjoubi recense trois sortes de problèmes entre plateformes et entrepreneurs :
- "le déréférencement inexpliqué ;
- la relation impossible avec le centre client ou un interlocuteur humain ;
- des problèmes de contrefaçon."
Ainsi, une TPE, qui avait inventé un casse-tête, passait une quinzaine de coups de fil, chaque mois, à Amazon et Wish pour signaler les copies illégales qu’elle y trouvait. La TPE voulait que ces plateformes détectent automatiquement les contrefaçons, le délai de signalement représentant un manque à gagner pour elle. »
Gérard Leclercq, cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation, identifie, lui, deux autres motifs de litiges. "D’abord, la notation. TPE et indépendants voient leur note baisser ou sont radiés sans comprendre. Une note n’est pas le simple avis des con-sommateurs ; elle agrège beaucoup de données (fréquence des connexions, etc.). L’impact de la note sur le business n’est pas mesuré au départ par la TPE. Ensuite, il y a les rémunérations. Les plate-formes ont des critères tarifaires qui baissent, car elles ne sont pas rentables (lire encadré ci-dessous). Soit la TPE reste sur la plateforme avec des marges plus faibles, soit elle la quitte et perd le business qu’elle apportait."
Les recours
La médiation des entreprises est l’organe à saisir pour résoudre les litiges. Dans le cadre de son initia-tive du mois de novembre, Mounir Mahjoubi a lui aussi saisi le médiateur des entreprises "qui a obtenu l’engagement des plateformes à apporter des solutions pour chaque cas", rapidement. À noter que l’espace mis en place par le secrétaire d’État reste opérationnel ; c’est la médiation des entreprises qui y répond.
Vers davantage d’encadrement ?
La loi El Khomri d’août 2016 a notamment instauré une protection contre les accidents du travail et un droit à la formation aux travailleurs des plateformes. De son côté, Mounir Mahjoubi travaille "à 2000 %" sur le règlement de droit européen Plateform-to-business visant à rééquilibrer concrètement le lien entre plateformes et professionnels : conditions clarifiées, obligation de médiation, etc. En effet, selon Grégoire Leclercq, "le Gouvernement a compris que les plateformes apportent du business en plus, de la croissance, et donc du chômage en moins de façon indirecte".
Pour signaler une difficulté : www.mediateur-des-entreprises.fr - www.demarches-simplifiees.fr/commencer/consultation-plateformes
>> Lisez l’intégralité de l’interview de Mounir Mahjoubi
"À l’exception de Airbnb qui a annoncé sa rentabilité en 2017, il n’y a pas de plateforme rentable sur son secteur, y compris Amazon avec l’e-commerce. Ce qui fait la rentabilité d’Amazon, c’est l’hébergement", pose Grégoire Leclercq, cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation. "Facebook a attendu d’être too big to fail (trop gros pour échouer) - cela a pris onze ans - pour être rentable. Toutes les plateformes essayent d’être le Google ou le Apple de leur secteur ; les moins bonnes sont rachetées ou disparaissent. 180 plateformes opèrent en France. Dans dix ans, il n’en restera que 30. Nous sommes face à une course à la taille, pas à la rentabilité."
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