Prime de partage de la valeur : une mesure plébiscitée… mais imparfaite
C’est l’une des armes que l’exécutif a choisi de dégainer pour lutter contre la baisse du pouvoir d’achat des salariés en cette période de forte inflation. La prime de partage de la valeur (PPV) se veut une version pérennisée et améliorée de l’ancienne "prime exceptionnelle de pouvoir d’achat" (dite "prime Macron"). Déployée fin 2019 par le gouvernement, celle-ci était une réponse directe à la crise des Gilets jaunes.
"Pérennisée", parce qu’en la gravant dans le marbre du projet de loi sur le partage de la valeur (déjà voté en première instance par l’Assemblée nationale le 29 juin dernier en attendant son passage devant le Sénat à l’automne prochain), le dispositif devrait perdre son caractère exceptionnel et devenir un mécanisme de partage des bénéfices ordinaire.
"Améliorée" car le texte prévoit qu’elle puisse être versée en deux fois (contre une seule aujourd’hui) dans la limite d’un plafond de 3.000€ (6.000€ en cas de signature d’un accord d’intéressement).
Seule restriction : dans les entreprises de moins de 50 salariés, la prime ne sera exonérée de cotisations fiscales et sociales et d’impôts sur le revenu jusqu’au 31 décembre 2026 que pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic.
296.000 TPE y ont eu recours
Sous sa forme actuelle, la prime de pouvoir d’achat s’est taillé un joli petit succès. Notamment auprès des patrons de TPE.
En quatre ans d’existence, elle aura été versée dans 296.000 entreprises de moins de dix salariés, à raison d’une enveloppe moyenne de 1.040€.
"C’est surtout le caractère défiscalisé et désocialisé de la prime qui a permis à nos chefs d’entreprise de s’en saisir afin d’en faire bénéficier leurs collaborateurs. C’est pourquoi nous nous battrons pour qu’elle reste exempte de charges sociales et fiscales après 2026", souligne Michel Picon, vice-président de l’U2P.
Les limites des exonérations fiscales et sociales
Cependant, cette défiscalisation qui a fait le succès de la prime, irrite. En premier lieu les syndicats pour qui elle est synonyme de manque à gagner pour le régime d’assurance-chômage, et également, potentiellement, un outil de stagnation des salaires, particulièrement dans les branches où les négociations sur la hausse des rémunérations sont au point mort ou patinent.
Mais aussi le Conseil d’État qui désapprouve la pérennisation d’une mesure initialement exceptionnelle, mais dont le caractère défiscalisé pour les salaires inférieurs à trois Smic est susceptible de créer une atteinte à l’égalité entre citoyens.
"Le plus logique serait de conditionner l’exonération de la PPV à son placement sur un plan d’épargne", suggère Roxane Drouet, consultante au sein du cabinet d’épargne salariale Eres.
Problème : les entreprises de petite taille en sont rarement pourvues. À moins que les branches de l’artisanat ne s’inspirent du plan mis en place par les professionnels libéraux de l’UNAPL (Union nationale des professions libérales) voici vingt ans au bénéfice de ses adhérents ?
Intéressement, participation, épargne salariale… : que dit le projet de loi ?
Transcription de l’ANI (accord national interprofessionnel) des partenaires sociaux de février 2023, le projet de loi sur le partage de la valeur ambitionne de dynamiser le partage de la valeur dans les entreprises et de doper l’actionnariat salarié. La pérennisation de la PPV et l’obligation faite aux entreprises de plus de onze salariés de mettre en place un dispositif d’intéressement, de participation, d’épargne salariale ou un mécanisme de prime constituent ses principales mesures pour les plus petites entreprises (à condition cependant d’avoir réalisé un bénéfice au moins égal à 1% sur trois années consécutives). Celles de plus de cinquante salariés se verront contraintes, d’ici au 30 juin 2024, de définir et négocier une "prime de bénéfices exceptionnels" avec leurs représentants du personnel. Elles seront également encouragées – mais pas obligées – à mettre en place un dispositif de "partage de la valorisation de l’entreprise" en cas de hausse de leur valeur sur trois ans.
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