Quel est l'avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi Indépendants ?
Le Conseil d’État joue un rôle de conseiller du Gouvernement puisqu’il a la charge d’examiner les projets de loi et d’ordonnances (articles 39 et 38 de la Constitution).
Dans un avis rendu le 28 septembre 2021, la plus haute juridiction administrative prend position sur les 14 articles qui composent le projet de loi Indépendants, ou plutôt le "projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante", puisque c’est ainsi que le Conseil d’État propose de le renommer.
Le nouveau statut unique doit être précisé
Dans un premier temps l’institution revient sur le nouveau statut d’entrepreneur individuel qui devrait notamment comporter une insaisissabilité des biens personnels du chef d’entreprise, et supplanter le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).
Le Conseil d’État considère qu’il s’agit d’une innovation juridique d’ampleur et souligne que dans le projet, la séparation entre le patrimoine personnel et celui nécessaire à l’activité s’effectue de plein droit, sans démarche administrative ou information des créanciers.
Le Conseil demande au Gouvernement d’apporter des précisions, notamment sur les contours exacts de la notion de "biens utiles à l’activité professionnelle".
Il appelle également l’exécutif à traiter du sort des biens communs entre l’entrepreneur et son conjoint, ainsi que du sort du patrimoine détenu en numéraire, en l’absence d’obligation faite à l’entrepreneur individuel d’ouvrir un compte distinct pour les besoins de son activité professionnelle.
Enfin, il attire l’attention du Gouvernement sur les conséquences du projet quant à l’exercice du droit de propriété des créanciers garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Le Conseil d’État émet des doutes quant à l’effectivité de la protection offerte à l’entrepreneur individuel en tant que débiteur, ainsi que sur la simplification réelle des procédures.
L’allègement des formalités légales peut, selon le Conseil, faire augmenter les garanties demandées directement par les créanciers.
Plutôt que de créer un nouveau statut, la juridiction suprême de l’ordre administratif déplore que le régime de l’EIRL n’ait pas été davantage valorisé et mis en avant.
Mort annoncée de l’EIRL
Les locataires du Palais royal regrettent que le Gouvernement fasse le service minimum en se contentant de supprimer des articles du Code de commerce.
→ Les EIRL existantes continueront leur activité jusqu’au décès de l’entrepreneur. La poursuite au-delà sera dissuadée et il sera impossible de créer de nouvelles structures.
Refonte du Code de l’artisanat
Le projet de loi Indépendants habilite le Gouvernement, sous un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi, à refondre complètement la partie législative du Code de l’artisanat.
Le Conseil d’État ne formule pas de conseil particulier, et se contente de rappeler l’urgente nécessité de cette recodification après les échecs des tentatives antérieures.
Extension de l’ATI
Le projet prévoit d’étendre le bénéfice de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) à ceux dont l’entreprise a fait l’objet d’une déclaration de radiation au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM).
L’exécutif a voulu sécuriser le dispositif en exigeant une attestation par un tiers de confiance du caractère non viable de l’activité.
En outre, les 5 années suivant le bénéfice de l’ATI, l’entrepreneur ne pourrait plus en bénéficier.
→ L’idée est de ne pas détourner le dispositif de son objet initial et d’éviter des ouvertures fermetures de structures dans le seul but d’accéder à l’aide.
Le Conseil d’État relève que cette nouvelle voie d’accès à l’ATI, qui est réservée à certaines catégories de travailleurs indépendants, méconnaît le principe d’égalité.
Il invite en conséquence le Gouvernement à prévoir son application à tous les travailleurs indépendants.
Il lui suggère également d’adapter le vocabulaire aux réformes en cours, cohérence oblige ! Le projet fait en effet référence au RCS et au RM alors que ceux-ci ont vocation à disparaître au profit du registre unique des entreprises.
Évolution du financement de la formation
Le projet de loi Indépendants réforme le circuit d’affectation des fonds de formation pour le calquer sur celui des salariés sans appeler d’observation de la part du Conseil d’État.
Ce dernier n’a pas plus de commentaire à faire s’agissant de la fusion de la contribution gérée par le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA), et les conseils de la formation au sein des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) de région.
L’avis du Conseil d’Etat n’étant que consultatif, il n’est pas sûr que le Gouvernement, qui a par ailleurs choisi une procédure accélérée pour ce projet de loi, tienne compte de l’ensemble des remarques qui lui ont été formulées...
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