Michel Picon : "Ne votez pas dans l’émotion mais en connaissance de cause"
Si la CGT est sortie le 19 juin de sa réserve en appelant à voter pour le programme du Nouveau Front populaire, l’U2P, de son côté, entend plutôt "éclairer le débat", sans formuler de consigne de vote.
Avant que les trois organisations patronales – U2P, Medef et CPME – n’auditionnent ce jeudi 20 juin les représentants des partis candidats aux législatives, Michel Picon était interviewé sur RTL pour rappeler la position de son organisation avant les scrutins décisifs des 30 juin et 7 juillet prochains : "Notre responsabilité est d'éclairer le débat en posant des questions très précises aux candidats pour que chacun puisse voter en conscience des conséquences que cela peut avoir. Les chefs d'entreprise sont aussi perturbés par la campagne." "L’heure est grave sur les plans économiques et sociaux", a-t-il rappelé.
Des propositions "insupportables"
Dans sa ligne de mire, des propositions "un peu fortes et attrape-tout", voire "insupportables", séduisantes sur le papier mais dont l’impact serait conséquent pour les petites entreprises.
Pour Michel Picon, passer "brutalement le Smic à 1.600€ net", une promesse de campagne du Nouveau Front populaire, serait particulièrement dommageable : "Je comprends la joie des gens qui n'ont pas cette rémunération et combien ça doit être difficile. Mais l'impact dans les entreprises sera catastrophique."
Et de rappeler : "84% des entreprises qui déposent leur bilan aujourd’hui sont des entreprises de moins de 10 salariés. […] Une augmentation aussi brutale de la masse salariale a des conséquences pour des tas d'entreprises."
17% des salariés des TPE sont actuellement au Smic. Une telle mesure ferait monter ce chiffre à 35%, d’après les estimations du président de l’U2P. Un impact financier qui ne sera pas supporté, selon lui.
"Les gens n'auront pas un Smic augmenté, ils auront simplement perdu leur emploi". Et cela concernerait "plusieurs centaines de milliers d’emplois dans les territoires et des emplois de proximité qui ne sont pas délocalisables", alerte Michel Picon.
"Faire tomber les masques"
De l’autre côté de l’échiquier politique, le Rassemblement National propose d'exonérer les employeurs du paiement des cotisations patronales sur la part du salaire augmentée pour les inciter à augmenter leurs salariés de 10%
"Séduisant mais ça existe déjà !", rappelle le Président de l’U2P avant de préciser : "L'exonération de cotisations sociales à hauteur de 10% existe déjà à travers la prime Macron. Ce n'est pas une nouveauté, c'est habillé différemment. C'est pour ça qu'on va essayer de faire tomber les masques avec cette réunion ce matin en disant : 'Bon aujourd'hui, vous êtes devant les chefs d'entreprise qui auront à vivre les conséquences des décisions que vous allez prendre'".
Autre proposition du RN : la baisse de la TVA sur l’énergie. « Séduisant là aussi mais ce sera un mécanisme extrêmement compliqué. Quelle est la garantie que cette baisse sera répercutée sur la facture ?"
La "peur par procuration"… au profit du RN
Un certain nombre de patrons n'hésite pourtant plus à voter en faveur du Rassemblement national et la volonté de faire barrage à un parti extrême n’est plus prioritaire pour les indépendants qui se déplacent aux urnes, comme le rappelait récemment une enquête menée pour le compte du SDI.
Pour Michel Picon, "les chefs d'entreprise n'échappent pas à la perception d'une société anxiogène qui leur fait peur". "Des artisans se font voler tous les jours leur camionnette avec leur matériel et ne peuvent plus travailler. J'ai rencontré une infirmière qui n'ose plus aller soigner ses patients parce qu'elle a peur de rentrer dans une cage d'escalier. Parfois, c'est aussi de la peur par procuration parce que c'est ce qu'on voit à la télévision."
"Cette ambiance où tout fout le camp, où les gens ont l’impression qu’ils sont tout seuls à travailler beaucoup, 15 heures par jour, à porter la France à bout de bras pendant que trop ne travaillent pas et profitent… Tout ça est une impression sur un certain nombre de points mais une réalité sur d’autres", rappelle le dirigeant de l'U2P.
"Les petits chefs d'entreprise n'y échappent pas. Ils vivent le même quotidien que les Français et donc ils n'échappent pas à la tentation de voir autre chose par rapport à ce qu'ils ont connu alors qu'ils considèrent que les gouvernements successifs ont failli sur les questions d'ordre et d'autorité. Les gens sont excédés", rappelle Michel Picon.
Voter en connaissance de cause
"Notre rôle est de respecter le choix de chacun, pas de dire que le bien est de ce côté et le mal de l’autre. Une organisation comme la nôtre travaillera avec tout le monde", tempère Michel Picon, en appelant toutefois les patrons à "ne pas voter dans l'émotion et en réaction" mais plutôt en connaissance de cause, "en comprenant ce que chaque entreprise pourrait subir selon les programmes mis en œuvre par les candidats". Michel Picon a conclu en rappelant le rôle de son organisation : "Défendre les intérêts moraux et matériels de nos petites entreprises. Mon rôle et mon mandat sont celui-là et je ne saurai pas autoriser à aller plus loin".
>> Consultez « Les 21 priorités des entreprises de proximité » en vue des élections législatives.
Les organisations patronales font front
Ce jeudi 20 juin, l'U2P, le MEDEF et la CPME ont donc décidé d'auditionner les principaux chefs de partis et de coalitions dans le cadre des élections législatives, en présence de CCI France, de CMA France, et de nombreuses associations de dirigeants d'entreprise, Salle Gaveau à Paris. Etaient attendus Édouard Philippe, président d'Horizons et ancien Premier ministre, Éric Coquerel, ex-président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, et Boris Vallaud, député sortant des Landes, pour le Nouveau Front populaire, Jordan Bardella, président du Rassemblement national, Éric Ciotti, président des Républicains, Bruno Le Maire, représentant Renaissance, ministre de l'Économie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Bruno Retailleau, président du groupe les Républicains au Sénat.
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