Apprentissage : double coup de rabot en perspective
Pilier de la formation professionnelle en France, l'apprentissage est confronté à une série de réformes budgétaires qui pourraient profondément affecter la dynamique du recrutement des jeunes. Présenté jeudi 10 octobre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l'année 2025 a ainsi des allures de double peine...
L'aide à l'embauche réduite de 1.500 euros
Depuis 2023, les entreprises embauchant un apprenti bénéficient d'une aide forfaitaire de 6.000 euros, valable uniquement la première année du contrat. Cette prime, cruciale pour de nombreuses TPE et PME, permet de compenser en partie les coûts liés à la formation et à l'encadrement des apprentis. Le projet de loi budgétaire pour 2025 prévoit une réduction significative de cette aide, la ramenant à 4.500 euros par apprenti.
L'Union des entreprises de proximité (U2P), notamment, s'est inquiétée de cette coupe budgétaire. Michel Picon, son président, alerte sur le fait que cette diminution pourrait freiner les recrutements, notamment dans les secteurs qui dépendent largement de l'alternance, comme l'artisanat, le bâtiment et les services. "Ne sacrifions pas l'apprentissage sur l'autel des économies budgétaires", a-t-il exhorté, craignant un retour en arrière après plusieurs années de progression fulgurante du nombre d'apprentis.
Depuis la réforme de 2018, le nombre d'apprentis en France a en effet quadruplé, atteignant près d'un million en 2024. Si le gouvernement souhaite maintenir cet élan, il est possible que la réduction de l'aide limite la capacité des petites entreprises à absorber les coûts. Une telle mesure risque de casser la dynamique de l'apprentissage, qui permet pourtant à des milliers de jeunes de se former à des métiers techniques souvent en tension.
Une nouvelle pression sur le salaire des apprentis
Parallèlement à la diminution de l'aide à l'embauche, le gouvernement s'attaque au régime fiscal des apprentis. Actuellement, les apprentis bénéficient d'une exonération de cotisations sociales jusqu'à 79% du SMIC, ainsi que d'une exonération totale de la CSG et de la CRDS. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 propose de ramener ce seuil d'exonération à 50 % du SMIC, ce qui aurait pour conséquence immédiate une baisse du salaire net des apprentis.
Cette proposition émane d'un rapport de l’Igas et de l’IGF datant de septembre dernier. L'opération pourrait générer une recette de 277,5 millions d’euros.
Pour un apprenti percevant un salaire de 1.042 euros par mois, cette mesure réduirait son revenu de 19 euros. Bien que cette diminution puisse sembler modeste, elle alourdit tout de même la charge salariale des entreprises. Les petites structures, déjà confrontées à des marges réduites, risquent de voir leurs coûts augmenter, ce qui pourrait rendre l'embauche d'apprentis moins attractive. L'U2P et la Confédération des PME (CPME) redoutent un "double coup dur" : moins d'aides financières et des charges sociales accrues pour les employeurs d'apprentis.
Cette pression supplémentaire sur le salaire des apprentis pourrait avoir un effet dissuasif, tant pour les jeunes que pour les entreprises... Dans certains cas, ces réformes pourraient même inciter les jeunes à opter pour des filières d'études générales plutôt que pour l'alternance, mettant ainsi en danger un système qui a prouvé son efficacité dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Vers une refonte ciblée des aides et exonérations ?
Pour atténuer l'impact de ces mesures, les acteurs du secteur proposent de recentrer les aides sur les petites entreprises et sur les niveaux de formation inférieurs. Avec près de 65% des apprentis employés dans des TPE-PME, l'enjeu est de taille : préserver une voie de formation indispensable à la vitalité des métiers artisanaux et des entreprises locales.
L'U2P plaide ainsi pour que la prime de 6.000 euros soit maintenue pour les TPE et PME de moins de 250 salariés, tout en excluant les grandes entreprises qui n'en auraient pas besoin. Un tel ajustement permettrait d'économiser plus d'un milliard d'euros, tout en soutenant les entreprises les plus vulnérables.
Par ailleurs, une autre piste évoquée serait de réserver l'aide à l'embauche aux apprentis préparant des diplômes allant du CAP au BTS, afin de limiter les "effets d'aubaine" perçus dans l'enseignement supérieur. En effet, près de la moitié des apprentis actuels poursuivent des études au-delà du baccalauréat, une situation qui soulève des questions sur l'efficacité et la nécessité d'une telle aide pour ces niveaux de formation.
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