Élections législatives

Grand oral du patronat : Ensemble, le RN, le Nouveau Front populaire et LR ont-ils convaincu ?

Le 21/06/2024
par Julie Clessienne
Les partis candidats aux élections législatives – Ensemble, le Nouveau Front populaire, l’alliance LR-RN et Les Républicains – ont présenté leur programme économique devant les organisations patronales, à Paris, le jeudi 20 juin. À quelques jours du premier tour des élections législatives anticipées, que faut-il retenir de ce grand oral ?
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Patrick Martin (Medef), Michel Picon (U2P) et François Asselin (CPME) en introduction du grand oral des représentants des partis devant le patronat, dans le cadre de la campagne des législatives, le 20 juin 2024, à Paris.

Édouard Philippe, président d’Horizons, a ouvert le bal lors de ses auditions organisées à l’invitation du patronat, le 20 juin, salle Gaveau à Paris.

Sous la bannière "Ensemble pour la République", l’ancien premier ministre a réaffirmé qu’il ne faut "absolument pas changer la logique" de la politique menée par Emmanuel Macron : "Depuis 2017, la politique qui a été mise en œuvre est probablement la plus pro-business qu'on a vue depuis longtemps".

Pour preuve selon lui : "Le taux de chômage a considérablement diminué, la capacité à attirer des investissements, y compris étrangers, a considérablement augmenté et nous nous sommes placés dans une situation où la création de richesse est assumée".

Rester "constant et cohérent" donc, tout en assurant son auditoire qu’il ne faut pas "pressurer d'impôts les entreprises" et leur "garantir un environnement le plus stable possible".

"On peut même aller plus loin que ce qui est fait aujourd'hui", a-t-il poursuivi, se déclarant ouvert à une "règle d'or" empêchant "d'augmenter la pression fiscale au-delà d'un certain taux" et "peut-être aussi de créer une règle juridique qui contraint l'État […] à ne pas laisser dériver la dépense publique au-delà du nécessaire".

"On ne pourra pas être compétitif avec ce niveau d’endettement et avec cette addiction à la dépense publique", Édouard Philippe.

Édouard Philippe estime que l'enrichissement des classes moyennes populaires "ne passera pas par la mesure magique du Smic à 1.600 euros net", défendue par le Nouveau Front populaire.

Sur l'augmentation de la dépense sociale enfin, le président d’Horizons a assuré que "les gens qui viennent vous voir et vous disent qu'il faut baisser l'âge de la retraite disent des choses que les Français ont envie d'entendre mais ils ne vous disent rien qui soit possible, rien qui soit crédible".

Le NFP aidera les entreprises à augmenter le Smic à 1.600€ net

Éric Coquerel (LFI) et Boris Vallaud (PS) pour le Nouveau Front populaire (NFP) ont emboîté le pas d’Edouard Philippe face aux représentants de l'U2P, du MEDEF, de la CPME et de nombreuses associations de dirigeants d'entreprise.

Boris Vallaud, député sortant des Landes, a tout d’abord dénoncé la politique économique menée par le gouvernement actuel, caractérisée selon lui par "la dégradation des finances publiques et le désarmement fiscal" avec "50 milliards d'euros de recettes fiscales en moins, rendues chaque année aux plus riches".

Le Socialiste a ensuite développé l’idée d’un "nouveau pacte productif" entre travailleurs, chefs d’entreprise et consommateurs et réclamé "un effort de patriotisme économique" aux plus riches.

Le Nouveau Front populaire, s'il accède au pouvoir, entend "remettre en place" le dialogue social, d’après Boris Vallaud, évoquant le "respect des partenaires sociaux" et "des corps intermédiaires".

Éric Coquerel a plaidé, lui, pour prioriser les aides aux entreprises "qui créent de l’emploi et qui payent bien leurs salariés" et assuré que le NFP, s’il accède à Matignon, "aidera" les entreprises à augmenter le Smic à 1.600€ net.

Cela permettra selon le représentant de LFI de "rentrer dans un cercle vertueux qui permet d'avoir une politique qui dope la demande, qui fait que le chef d'entreprise, le commerçant, la petite boîte… vont se retrouver avec davantage de commandes".

Jordan Bardella et Éric Ciotti : audition commune

Le président du RN Jordan Bardella et son nouvel allié Éric Ciotti ont été auditionnés ensuite, ensemble. Une première apparition publique conjointe depuis l’annonce de leur alliance le 11 juin dernier.

Devant l’assemblée, Jordan Bardella a d’abord déploré la "déraison budgétaire dans laquelle nous sommes plongés depuis 2017", estimant qu’elle "fait peser un risque de décrochage économique", du fait du niveau élevé de la dette et des déficits publics.

Pour cela, le président du RN a dit vouloir engager, dès l'automne, "des États généraux de la simplification" pour les entreprises françaises. "Je laisserai douze mois [aux entreprises], secteur par secteur, filière par filière, pour dresser un état des lieux des contraintes qui pèsent sur la croissance".

Jordan Bardella a également promis "jusqu'à 10% de hausse de salaire exonérées de cotisations patronales" afin de "récompenser les salariés" et "le travail".

"Cette mesure doit permettre, en partie, de répondre à l'impératif des salaires trop bas en France sans pénaliser la prospérité des entreprises", a-t-il assuré.

Sur la question du pouvoir d'achat, Jordan Bardella a assuré vouloir faire de la baisse des factures d’énergie sa priorité en baissant "la TVA sur l’électricité, le gaz le fioul et le carburant ". Une mesure chiffrée – et assumée – par son parti à hauteur de 12 milliards d’euros.

Le président du RN a enfin promis de ne pas "décaler l’âge de départ à la retraite", même s'il a sous-entendu que cela dépendra des conclusions de l'audit des finances qu'il lancera dès son arrivée à Matignon en cas de victoire aux élections législatives, et de supprimer "intégralement" la CVAE, un impôt de production qui pèse sur les entreprises.

De son côté, Éric Ciotti a estimé que l’immigration est une "fausse solution" aux pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs en tension : "Sur l'immigration, il peut y avoir des points qualitatifs, notamment pour les médecins, mais il faut des solutions nationales au niveau quantitatif comme une meilleure formation ou une meilleure rémunération", a-t-il affirmé, donnant pour exemples la restauration et le BTP.

Bruno Le Maire plaide pour "moins glamour mais plus efficace"

Pour Ensemble pour la République, Bruno Le Maire a ensuite jugé les projets de l'extrême droite et de l'extrême gauche "à contretemps" et s’est dit "stupéfait de voir que ceux qui n'ont cessé pendant la crise du Covid de demander de dépenser plus" lui reprochent aujourd'hui d'avoir trop dépensé.

Selon l’actuel ministre de l’Économie, si le RN remporte les élections législatives, "sept années de travail peuvent être foutues en l'air par sept jours de décisions".

"Ne cédez pas aux sirènes du Rassemblement national, on est peut-être moins glamour, mais plus efficace", a-t-il martelé devant l’auditoire.

Bruno Le Maire a assuré vouloir "continuer à indexer les retraites sur l’inflation", "aller très loin" sur la simplification des normes administratives pour les entreprises et "rouvrir des négociations avec EDF" sur les contrats d’électricité "à long terme" des entreprises.

Concernant les aides à l’apprentissage, qui ont massivement boosté le système, Bruno Le Maire a suggéré de supprimer les primes à l’embauche "à partir d’un niveau Bac + 5, Bac + 6". Il entend toutefois ouvrir ce débat "tout en continuant à soutenir massivement les CFA, les apprentis, les formations qui vont avec parce qu’on a réussi à faire de l’apprentissage une voie d’excellence".

Bruno Retailleau alerte sur le problème de soutenabilité

Dernier intervenant lors de ce grand oral : Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat. Celui-ci a estimé que la réforme de l'État faisait partie "des grandes réformes à faire" : et que "les intérêts de la dette absorberont la totalité de l’impôt sur le revenu" en 2027 .

Selon le sénateur, "on approche d'une situation critique où il se pourrait qu'on ait un problème de soutenabilité." 

"Ne pensez pas que la France, c'est too big, too fail", a-t-il souligné.

Le patronat toujours sceptique

Avant même le début de ses auditions, le Medef avait jugé mercredi 19 juin les programmes du RN et du Nouveau Front populaire "dangereux" pour l’économie, estimant qu’ils provoqueraient "des hausses d’impôts, le départ des investisseurs étrangers et des faillites massives d’entreprises, donc des destructions d’emplois".

Invité de la matinale de RTL le jeudi 20 juin, Michel Picon, président de l'U2P, avait lui aussi évoqué des propositions "un peu fortes et attrape-tout", voire "insupportables", comme le passage brutal du Smic à 1.600 €, dont l’impact serait conséquent pour les petites entreprises.

A l'issue de ce grand oral, le président du Medef Patrick Martin dit être "resté sur sa faim" : "Pour le Rassemblement national, il y a quand même des ambiguïtés sur le chiffrage. Du côté du Front Populaire, il y a ce pari qui n’a jamais marché, celui de la relance par la consommation. En 81, il y a eu le virage de la rigueur derrière".

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