Régions de France veut reprendre la main sur la carte des formations
"Nous sommes dans un moment très particulier, où les dossiers sont figés. C'est un arrêt sur image : on est sur 'pause' et la télécommande est perdue..." La situation politique de l'été 2024 imposait ces propos liminaires de François Bonneau. Le président de la Commission Éducation-Formation de Régions de France et président de la Région Centre-Val de Loire s'est adressé à la presse jeudi 28 août, dans le cadre d'une conférence de rentrée.
"Nous observons les effets de ce contexte inédit sur le service public à responsabilité partagée", a-t-il souligné, déplorant l'absence "d'élan", "de ressort", et l'immobilisme contraint du Gouvernement démissionnaire, à un moment-clé de l'année...
"La rentrée, c'est le moment symbolique où on applique nos complémentarités. Je pense aux élèves, aux parents, aux professeurs et aux proviseurs (...). Nous sommes en attente d'un Gouvernement en mesure de travailler avec la représentation nationale pour les projets indispensables."
Une paupérisation qui inquiète
Dans ce contexte délicat, les Régions sont plus que jamais mobilisées pour assurer le bon fonctionnement des établissements scolaires. Et pour cause : l'enseignement représente leur deuxième budget (8 milliards d'euros), après celui des transports et de la mobilité.
Au rang des priorités de cette rentrée, citons la lutte contre la précarisation des familles et le décrochage scolaire. Un combat "hors champ de compétences" des Régions, mais mené de front... Aides au transport, à la restauration, à l'acquisition d'un ordinateur, à l'équipement spécifique en filières professionnelles : face à la dégradation du climat social, les interventions volontaires des Régions se multiplient. Certaines d'entre elles mettent d'ailleurs à disposition des fonds sociaux aiguillés en faveur des jeunes en grande difficulté.
Au déclassement des parents, il faut ajouter la dispersion des élèves. "Nous voulons éviter que les lycéens aient à travailler toute l'année pour financer leurs études, une situation de plus en plus courante", a ainsi noté François Bonneau. "Il y a aujourd'hui une aspiration à plus de justice sociale et à l'égalité des chances", a quant à lui rappelé le vice-président de la Région Occitanie, Kamel Chibli. "Les Régions contribuent à limiter les dépenses des familles : l'aide au premier équipement peut ainsi avoisiner 1.000 euros par famille", a-t-il illustré.
Formations : en finir avec l'approche "comptable"
Autrefois sous la seule autorité de l'Éducation nationale, la définition de la carte des formations professionnelles est, depuis 2023, soumise au vote des Régions. À l'issue de chaque délibération, le Rectorat doit respecter le vote en faveur ou défaveur des ouvertures et fermetures de formations.
Mais, a relevé François Bonneau, cette organisation ne suffit pas à adapter les plateaux techniques aux besoins des filières et aux réalités territoriales. "Le Recteur a une approche comptable des ouvertures et fermetures de formation : lorsqu'une formation est ouverte, une autre est fermée". Un calcul jugé arbitraire... "Ça ne peut pas être la première énergie", s'est ainsi indigné le président de la Région Centre-Val de Loire. "Nous voulons entrer par le qualitatif et le prospectif".
Prendre les rênes de la carte des formations
C'est pourquoi les Régions veulent aller plus loin qu'un simple rôle de validation... "Nous demandons une vraie décentralisation de cette responsabilité, a annoncé le président de la Commission Éducation-Formation. Les Régions plaident ainsi pour une intervention directe dans cette carte, afin qu'elle soit "l'aboutissement direct du dialogue avec les branches."
"Nous demandons que les Régions puissent exercer une responsabilité pleine et entière, en association avec les services de l'État. Il faut un pilote dans l'avion et quand il y en a cinquante, ça ne marche pas !"
François Bonneau, président de la Commission Éducation-Formation de Régions de France
Régions de France ne compte néanmoins pas faire cavalier seul. "Il y a des complémentarités à créer, un pilotage public qui tient compte des réalités", et s'inscrive dans une temporalité efficace. "Nous n'avons pas atteint le niveau de réactivité nécessaire", a ainsi fait remarquer François Bonneau.
Orientation des élèves : peut mieux faire !
Régions de France appelle par ailleurs à revoir le modèle de sensibilisation des jeunes aux métiers, notamment en réétudiant la stratégie de l'Onisep. "Il est impératif d'être en adéquation avec les besoins des territoires. Il en va de leur visibilité et de celle des formations ; si on ne valorise pas mieux nos métiers, on court à la catastrophe...", a alerté Kamel Chibli.
Et d'illustrer : "la filière géotextile biosourcé est un gisement d'emplois, et pourtant les formations manquent... dans le bâtiment, il suffit qu'une filière ait du mal à attirer des collégiens, et la section ferme."
Parmi les pistes d'amélioration suggérées par Régions de France, notons :
- la poursuite des stages de 2nde, qui offrent un gain de maturité, 18 mois après le premier stage de 3ème
- l'intégration de temps dédiés à l'orientation au cursus des professeurs principaux
- la régionalisation renforcée de l'Onisep
- l'accompagnement des jeunes inscrits en gestion administrative (GA), filière où les débouchés se font rares, pour éviter leur désinsertion.
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