Édouard Eyglunent, co-fondateur de Wecandoo : "La fierté et l’humilité des artisans m’émerveillent tous les jours"
Deux ans après notre dernier entretien, où en est Wecandoo ?
Notre équipe de 55 personnes collabore avec près de 2.500 artisans et producteurs. Au début, nos ateliers étaient plutôt concentrés dans les grandes villes mais maintenant nous couvrons toute la France.
Le cap des 5.000 expériences de découverte et d’initiation à l’artisanat, dans les 4 pays où nous sommes présents, a été franchi.
Car vous vous êtes aussi développés à l’international ?
Nous avons ouvert des ateliers dans toute la Belgique, ensuite aux Pays-Bas et récemment en Angleterre. Nous y travaillons avec environ 200 artisans et producteurs.
Nous nous posions la question de la place qu’y occupaient les savoir-faire locaux. Dans l’ensemble, il y a une forme d’homogénéité dans la variété des métiers exercés… avec forcément des particularités locales : les Anglais boivent beaucoup de bière par exemple donc les brasseries sont bien représentées dans nos ateliers !
En revanche, il y a de vraies différences avec l’artisanat français. En Angleterre et aux Pays Bas, il y a moins d’artisans dans le secteur de la fabrication, ce sont surtout les sociétés de services qui prédominent.
La sauvegarde et la promotion des savoir-faire artisanaux ne sont pas forcément inscrites dans la politique publique de ces pays d’où l’intérêt de faire rentrer de nouveaux acteurs comme Wecandoo pour les mettre en avant.
Depuis votre lancement en 2017, et avec l’expérience, qu’avez-vous découvert sur l’artisanat et les artisans que vous ne soupçonniez pas ?
Au début, je crois que je ne me rendais pas forcément compte qu’un artisan était aussi un chef d’entreprise. Leurs problématiques de production, de fabrication… côtoient au quotidien leurs problématiques de gestion. C’est d’ailleurs pour cela que notre solution est intéressante pour eux car, en leur proposant d’organiser à leur rythme des ateliers chez eux, nous leur apportons un revenu complémentaire mais lié à leur production. Cela permet de faire un bon pont entre ces deux aspects.
"Ce qui me passionne également toujours, c’est de rencontrer des passionnés. Tous ces gens veulent être garants et ambassadeurs de leur savoir-faire dans leur pays. Il y a une fierté et une humilité chez les artisans qui m’émerveillent tous les jours."
Vous vous êtes lancés aussi dans des événements destinés aux groupes ?
Nous en avons fait pas mal pendant trois ans mais nous avons changé notre manière de le faire.
Au début, tous ces événements étaient concentrés à Paris ou dans des grandes villes, comme Lyon ou Bordeaux, donc un peu éloignés de l’ensemble de notre communauté d’artisans. Ces derniers temps, nous avons développé une fonctionnalité qui permet de privatiser des ateliers pour des groupes directement chez l’artisan.
Teambulding ou afterwork pour les entreprises, enterrements de vie de jeune fille/jeune garçon ou sessions entre amis ou en famille…, les possibilités sont nombreuses.
Pour fédérer et soutenir votre communauté d’artisans, vous dépassez vos objectifs initiaux avec des webinaires ou des formations ciblées (recrutement, marketing…). Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons une personne à temps plein et une en alternance qui travaillent sur l’animation de la communauté de nos artisans. Nous proposons par exemple "Les pots des artisans" lors desquels ils se rencontrent, partagent des bonnes pratiques, créent du lien.
Nous pouvons aussi, à cette occasion, leur proposer des formations spécifiques : réseaux sociaux, newsletters, image de marque, calcul du prix de revient…
Comme nous travaillons avec une grosse communauté, plein d’acteurs qui gravitent autour des artisans sont intéressés pour leur proposer leurs solutions et leur expertise par notre biais, comme des avocats, des comptables… Ces formations peuvent donc être dispensées soit par un membre de notre équipe, soit par l’un de ces experts, soit par un pair (un artisan qui vient témoigner de son expérience).
Collaborez-vous avec le réseau des CMA, qui a vocation également à accompagner les artisans ?
Nous échangeons régulièrement avec certaines CMA régionales car elles sont en contact direct avec leurs ressortissants. Nous avons noué des relations très concrètes avec elles : elles nous proposent des artisans susceptibles d’intégrer notre démarche ou nous les sollicitons pour trouver des artisans locaux ayant un savoir-faire spécifique.
"Les CMA se rendent compte que nous travaillons au quotidien dans l’intérêt des artisans, que nous sommes sérieux et crédibles : autant se complémenter !"
Vous désirez également vous adresser plus largement aux jeunes pour leur faire connaître les métiers de l’artisanat. Quelles sont vos actions pour y parvenir ?
Dès le lancement de Wecandoo, nous avons rencontré beaucoup d’artisans reconvertis qui nous ont dit "si seulement nous avions eu l’occasion de découvrir les métiers de l’artisanat quand nous étions plus jeunes, sans qu’on nous dise que ce seraient des métiers peu valorisés".
Nous avons donc tout de suite voulu proposer des formats avec la vocation d’orienter, d’éduquer, comme les ateliers parents-enfants ou destinés uniquement aux enfants.
Nous avons fini par entrer en relation avec le ministère de la Culture et aujourd'hui nous proposons aussi 750 ateliers intégrés directement dans le Pass Culture, dans toute la France.
Votre mission est presque devenue politique…
Je dirais "realpolitik" ! Disons que nous avons une mission de société. L’objectif n’est pas d’être un poids politique mais de venir en soutien à des politiques publiques, de faire avancer certains sujets.
En l’occurrence, lorsque nous avons contribué à la définition de la Stratégie nationale en faveur des métiers d’art [dans lequel est intégré le Pass Culture, NDLR], nous avions la volonté de rapprocher les métiers d’art des lycéens : nos ateliers sont un excellent moyen d’y parvenir et d'apprivoiser une grande variété de savoir-faire, sur tous les territoires.
Nous venons également de co-signer une tribune intitulée "Rendre désirables les métiers de l’artisanat" avec Gabrielle Legeret, fondatrice de l'association "De l’or dans les mains". Cette structure propose de faire rentrer la pratique artisanale dans les collèges. Nous communiquons mutuellement nos actions auprès de notre communauté d’artisans.
Quelles sont vos perspectives de développement ?
Nous œuvrons beaucoup à la montée en compétences. Nous proposons principalement des ateliers courts, qui durent entre 3 heures et 1 journée. En ce moment, nous travaillons sur des formats plus longs pour des gens qui souhaitent se perfectionner dans certains savoir-faire, voire à terme se reconvertir. Cela pourra être sous forme de stages d’une, deux ou trois semaines, ou de rendez-vous hebdomadaires au sein d’ateliers.
On se rapproche aussi doucement de Noël donc nous allons largement communiquer sur nos bons cadeaux.
Quel est le principe de Wecandoo ?
Wecandoo propose, par le biais d’ateliers de découvrir des artisans, chez eux, en immersion, durant quelques heures, de partager leur quotidien et leur savoir-faire et de repartir avec sa propre création. Ce moment d’échange convivial offre aussi la possibilité aux artisans adhérant à la démarche de gonfler leur chiffre d’affaires mensuel (environ 750 €/mois) et de gagner une nouvelle clientèle.
Les critères pour proposer des ateliers ? Être un artisan qualifié (diplômé ou avec 2 ans d’expérience minimum), à temps plein, ayant un local en propre (séparé de son hébergement) pour être en mesure d’accueillir du public. La notion de "transformation de matière" ou l’idée de création est essentielle afin que les participants puissent repartir concrètement avec quelque chose dans leurs mains.
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