Aurélien Cadiou (Anaf) : "La qualité de vie des apprentis doit devenir une priorité"
Comment se portent les apprentis français ?
Il n’existe pas d’études récentes sur la qualité de vie des apprentis mais le taux de rupture des contrats d’apprentissage est un bon indicateur : il est aux alentours de 30%, un chiffre élevé mais stable depuis des années, même avant la réforme.
Ce qui est sûr, c’est qu’aucune mesure spécifique n’a été prise pour pallier les difficultés auxquelles ils font face. Parmi elles : le logement et la mobilité.
L’apprenti doit se déplacer vers le CFA et l’entreprise, souvent éloignés l’un de l’autre ou de son domicile. Cela implique des frais de logement – voire de double logement –, de transport, des longs trajets… Une logistique et un budget lourds au quotidien, à gérer en plus de leur formation.
"Les soucis de financement de l’apprentissage trustent l’actualité au détriment des sujets sur la qualité de vie des apprentis, sur la sécurisation de leur parcours et les conditions du mieux vivre."
D’autres problèmes ont été relevés au sein même des entreprises et expliquent ce taux de rupture : des missions qui ne sont pas celles que les jeunes imaginaient car ils sont parfois un peu déconnectés des réalités (des apprentis en coiffure qui pensaient intervenir sur les clients dès le début par exemple) mais aussi des cas plus graves (harcèlement, manque d’accompagnement ou de sensibilité devant des apprentis qui n’ont parfois que 16 ans…).
Depuis cette réforme qui a vu l’arrivée sur le marché de nombreux CFA privés, les apprentis vous font remonter de multiples pratiques abusives. Des conseils pour éviter ces écueils ?
D’après ce qu’on voit, il n’y a pas de pratiques abusives dans les CFA historiques, dont ceux du réseau des chambres de métiers. Parmi les nouveaux du secteur, certains font aussi très bien les choses.
Les pratiques abusives sont souvent le fait des formations dans le supérieur (Bac+3).
"Je conseillerais dans tous les cas aux jeunes d’éviter la précipitation et de signer d’emblée tous les documents d’inscription, d’autant plus si les demandes se font pressantes (un très mauvais signal !)."
Prendre le temps de lire les documents, de savoir dans quoi on s’engage, est essentiel.
Il faut aussi que les jeunes aient un plan B. L’école se trouve souvent en position de force car les jeunes n’ont pas envisagé d’alternative et ont tout misé sur un seul établissement.
Qu’ils interrogent aussi le CFA sur les potentiels frais cachés. Il est assez rare que les écoles mentent donc il ne faut pas hésiter.
Parmi les pratiques abusives courantes relevées lors d’une enquête réalisée anonymement par nos soins en 2020 : faire payer des frais d’inscription ou des frais de scolarité d’une année complète à un jeune s’il ne trouve pas d’entreprise dans les 3 mois… Si cette solution n’est pas satisfaisante, il faut aller voir ailleurs.
À l’approche de la rentrée de septembre, comment inciteriez-vous un employeur à embaucher un apprenti ?
Son intérêt est double. D’abord, l’apprentissage s’apparente à un prérecrutement dans un contexte où il est dur d’attirer des salariés sur des contrats durables. La moitié des apprentis, tous secteurs confondus, reste dans l’entreprise dans laquelle ils ont été formés après l’obtention de leur diplôme.
S’il est bien intégré, qu’on lui propose des missions et des bonnes conditions, il n’y a pas de raison qu’il s’en aille.
Autre avantage : un jeune apporte du sang neuf. Même s’il est timide au départ, au bout de quelques semaines, il va poser beaucoup plus de questions, parfois remettre en cause des pratiques ancrées depuis des années, amener du dynamisme. Sans compter ses connaissances dans le numérique ou le digital, pas forcément encore très présentes dans l’entreprise, et qui complètent les compétences métier.
>> Plus d’infos : www.anaf.fr
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